VO : [impossible de trouver le titre, si quelqu’un a une idée…]. Les histoires de Jørn Riel (quatre en l’occurrence), adaptées par Gwen de Bonneval (au scénar’) et Hervé Tanquerelle (illustrateur), sont aussi tendres qu’acides. L’univers du Groenland, terre pas aussi inhospitalière qu’on pourrait le croire, apporte de belles surprises littéraires au Tigre.
Il était une fois
Jørn Riel est un Danois qui a passé une quinzaine d’années au Groenland dès les années 50. Il y est notamment allé, dans le cadre d’une expédition scientifique, au Nord-Est d’une île (Ella je crois bien) dans une base d’étude. Pendant toutes ces années, il a pu écouter les histoires des locaux et a rédigé un joli tas de volumes à ce sujet. Voici ces fameux racontars en versions illustrées.
Critique du Roi Oscar (et autres racontars)
Il arrive au Tigre, dans une librairie, de fermer les yeux et prendre un titre au pif. C’est un jeu auquel je m’abonne une fois par mois, et sur ce coup j’ai eu le cul bordé de nouilles sauce bolognaise. J’ai dévoré avec avidité la centaine de pages et ai eu envie d’aligner tous les tomes des histoires de Riel mises en BD.
Cet opus comporte quatre racontars. 1/ Un repas de funérailles au cours duquel les convives (qui veulent absolument garder le macchabée sur leur chaise) se la collent sévère. La fin est délicieuse et à mourir de rire. 2/ Deux individus, habitant la même barque, qui se chamaillent (jusqu’à tirer des coups de feu) pour jouir d’une cabane à WC – au lieu de se répandre dans la nature. 3/ Le fameux Roi Oscar, cochon domestique dont s’entiche un protagoniste, au détriment de son colloc’ (ma préférée). 4/ Un jeune cultivé qui débarque chez les trappeurs pour y passer deux années (touchant).
La dernière nouvelle m’a semblé plus ou moins autobiographique, comme une représentation de l’auteur qui, déçu par son séjour, se meurt d’ennui et ne pense qu’à retourner au bercail….jusqu’à la révélation. De l’ensemble de la BD, il ressort également un humour à la fois fin (entendez, pas trop gras ni burné pour une partie du monde dépourvue de femmes) et excessif dans la mesure où certaines histoires contées semblent trop belles pour être vraies. Particulièrement celle du cochon, où la folie est poussée à un paroxysme aussi hilarant que violent.
L’illustrateur a produit un boulot d’une rare qualité. Pages en noir et blanc qu’on croirait passées au fusain, certaines planches présentent des plans d’ensemble (qui d’un somptueux paysage, qui d’une maison, qui de dix potes autour d’une table) qui font plaisir aux yeux. Quant aux protagonistes, Tanquerelle parvient à mélanger les genres : soit les traits sont caricaturaux et rigolards, soit le réalisme est frappant, par exemple les regards de certains Groenlandais à qui il manque une case. Ce qui rend encore plus poreuse la frontière entre ce qui est exagéré de ce qui est fidèle à la réalité.
Au final, de Bonneval a su superbement adapter les histoires du Danois dans un univers graphique, et fatalement je me suis posé la question de la réalité de telles anecdotes. Et l’auteur danois, intelligemment, répond avec la définition qu’il donne du « racontar » : une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première chose qui me vienne à l’esprit est que les gens là-bas sont de vrais gueudins. Y’a pas d’autres termes pour les qualifier. Je ne sais pas dans quelle mesure le climat les dévore (le froid, la nuit polaire, les étendues immenses), toutefois les loustics s’attaquent quotidiennement à l’alcool et bouffent pour dix. Certes souriants, on voit toutefois qu’ils sont rudes et sans pitié. Parallèlement, et question hygiène, on ne les voit que chier, jamais se laver. A quoi bon, aucune femme n’est présente à des lieues à la ronde – des femelles à la rigueur, et c’est là le problème…si vous me suivez.
J’ai rapidement évoqué le climat, cependant la nature mérite un paragraphe. C’est le sujet de la dernière histoire avec le nouvel arrivant qui tombe vite des nues. L’environnement n’est pas si beau, notamment le sol qui est dégueulasse (jonché de débris), et la nuit polaire qui n’en finit pas. De quoi être dépressif. Néanmoins la nature sait se faire bonne en fournissant de quoi manger et concevoir des fourrures qui seront vendues, voire échangées contre des barriques de bière, du pétrole ou du tabac. J’ai surtout eu le sentiment d’une vie faite d’habitudes, de gestes quotidiens associés à une discipline organisationnelle si on ne veut pas dépérir et devenir dingue.
…à rapprocher de :
– Ces auteurs ont d’autre BD dans leurs besaces, à savoir La Vierge froide et autres racontars. Vais me la taper celle-là (la bande dessinée hein…). Et Un petit détour et autres racontars (toujours excellent). Dommage qu’une intégrale ne soit pas sortie.
– Le grand nord, la solitude, la rudesse du climat, ça me rappellerait presque le bon Conan et ses aventures testostéronées adaptées en BD. Pour l’instant, je n’ai lu que La reine de la côte noire. Pas mal.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
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