VO : The Chronoliths. Dans un avenir proche, de formidables édifices apparaissent en plein centre de la Thaïlande. Les inscriptions sur les monuments annonçant la victoire prochaine d’un seigneur de guerre, la populace est en droit de paniquer. Qui pourrait arrêter le compte à rebours ? Émouvant et mystérieux, un livre que le félin recommande chaudement.
Il était une fois…
Au début des années 2020, l’existence de milliards d’individus est sur le point de basculer lorsque apparaît à Chumphon (Thaïlande), le premier Chronolithe. Un édifice gigantesque dont la matière est inconnue, sombre qui annonce la victoire à venir (dans une vingtaine d’années) du puissant Kuin. Un truc qui vient du futur, quelle est donc cette sorcellerie ? Qui est ce putain de Kuin dont personne n’a entendu parler ? C’est le début d’un longue traversée pour Scott Warden, père divorcé qui se trouve aux premières loges de ce foutoir.
Critique de Chronolithes
Encore une claque savamment assénée par l’écrivain canadien, quel pied. Une histoire d’une tristesse certaine (le désarroi est omniprésent), avec, comme d’habitude chez Wilson, une certaine mélancolie. Disons plutôt une sorte de douce dépression et de fatalisme face à des évènements trop énormes pour être appréhendés par une famille dans la tourmente. Ici, le lecteur savourera la sainte trinité, marque de fabrique du bon Charlou :
Premièrement, l’histoire familiale. Le narrateur, Scott Warden, est un homme « normal » : ingénieur dont la femme s’est (contrairement à lui) rapidement remariée, Scott est la gentille victime par excellence. Sa petite existence sera plus chamboulée que la plupart des quidams dans la mesure où il fera en Thaïlande la rencontre de Sulamith Chopra, femme dont l’expertise peut aider à comprendre la nature des Chronolites. Parallèlement, sa vie familiale sera progressivement mise à rude épreuve, notamment à cause de sa fille Kaitling (et surtout son petit ami) qui sera embrigadée par les méchants. Jusqu’où peut-il protéger ses proches face au raz-de-marée Kuin ?
Deuxièmement, le roman prend une tournure plus science-fictionnesque grâce à l’étude approfondie des gros obélisques. Pour cela, l’aide de « Sue » Chopra se révèle précieuse, il s’agit de la seule personne apte à développer les premières hypothèses (un bordel quantique auquel je n’ai hélas pas capté grand chose). Les objets venus du futur disposent de certaines propriétés (il fait tout froid autour de ceux-ci par exemple), et annoncent que d’ici deux décennies l’être humain sera capable de grands prodiges – ça inquiète plus qu’autre chose.
Troisièmement, Wilson dresse un sombre tableau de ce qu’est l’Humanité face à l’avènement auto-proclamé d’un dictateur victorieux. Car les crises qui d’habitude secouent la planète (l’environnement qui se déglingue notamment) entrent en résonance avec les nouvelles problématiques politiques et les implications sociétales de l’apparition des Chronolithes. Imaginez le peuple confronté à pareille magie, il y a de quoi oublier les trois religions monothéistes (surtout quand un édifice débarque en plein Jérusalem). Très vite les Terriens (car le glorieux Kuin dépasse les nations) se divisent entre pro-Kuin et anti-Kuin, laissant leurs plus bas instincts s’épanouir dans une guerre d’un genre nouveau – car n’étant pas encore déclarée, du moins le pense-t-on.
Concluons sur un bémol : Wilson semble penser que la profondeur de ses protagonistes (exécutée non sans brio) le dispense de révéler les réponses que Le Tigre était en droit d’attendre – notamment le déroulement du conflit à venir. Le résultat est que des pans entiers du scénario sont comme « laissés » sur la touche, en presque 500 pages cela relève presque du délit. – cependant, la beauté ne réside-t-elle pas dans ces petits trous laissés à l’imagination du lecteur ?
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les prophéties auto-réalisatrices. Wilson, à défaut de bâtir une théorie pérenne sur les voyages dans le temps, s’en sort à peu près correctement concernant les paradoxes temporels (d’autres diront qu’il a piteusement botté en touche). Tout cela à partir d’une observation : les édifices sont toujours plus imposants, la mégalomanie de Kuin est sans limite. Sans doute trop d’ailleurs. [Attention SPOIL] A ce titre, le dernier Chronolithe (qui se pose aux States), trop gros pour ne pas se casser la gueule, est révélateur du combat perdu de Kuin. Sue Chopra, qui est sans doute la seule personne en mesure de maîtriser cette technologie, décide alors de rejoindre les partisans de Kuin. Comme agent double afin de faire capoter la dernière érection. Plus généralement, si l’identité du dictateur est suggérée en fin d’ouvrage, force est de constater qu’un joli paquet de furieux se seraient fait passer pour Kuin [Fin SPOIL].
Les crises majeures. La date fatidique de la conquête « Kuinesque » approchant, la sagesse de l’Homme s’est carapatée au trente-sixième dessous : il ne subsiste que la violence, la peur et la résignation face à des conquêtes d’ors et déjà annoncées. La dernière partie (il y en a trois), Turbulences, se passe presque dix piges après les premiers chapitres. L’instabilité mondiale est à son paroxysme, l’auteur nord-américain nous peint un monde en proie à la récession économique et à la catastrophe écologique. Rien de très avenant. Néanmoins, chez Wilson, après les actes providentiels d’une poignée d’individus, l’Humanité se remet de ces épreuves pour s’engager dans ce qui pourrait ressembler à un âge d’or en devenir.
…à rapprocher de :
– Tigre adore Robert Charles Wilson, jugez plutôt : la sublime trilogie Spin, Axis et Vortex. La base. Le vaisseau des Voyageurs ou Blind Lake, deux purs plaisirs. La cabane de l’aiguilleur, envoûtant à souhait. Mysterium, ai moins aimé. Julian, itou, la SF est moins présente et ça met du temps à monter. YFL-500, recueil de nouvelles plus que sympathique.
– Le scénar’ est très très proche de Nuits éternelles, un épisode de Sandman (by Neil Gaiman).
– Sur la question des prophéties auto-réalisatrices et le fait que les Hommes prennent connaissance de leur avenir, Flashforward de Sawyer mérite largement le détour – de grâce, oubliez la série TV.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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J’ai découvert cet auteur via ce roman et cela reste un de mes préférés. J’ai aussi aimé Spin mais pas le reste de la trilogie. Tu ne cites pas « A travers temps » (« A bridge of years » en VO) que j’avais aussi bien aimé, Robert Charles Wilson y parle aussi de voyage temporel et j’avais trouvé cette lecture très prenante, avec une fin plutôt optimiste.
Merci, je note pour la dernière référence. Moins aimé Vortex également.
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