VO : idem. Premier tome d’une trilogie qui s’annonce sous les meilleurs augures, Spin est bien plus qu’un roman de science-fiction renversant. Il y est question de la mort de notre monde tel qu’on l’a connu, des moyens mis en œuvre pour le sauver et d’une seconde chance sans doute offerte. Tout cela avec une paire de protagonistes que le lecteur connaîtra intimement.
Il était une fois…
Dans un futur extrêmement proche, une imprévisible catastrophe (en est-ce une ?) s’abat sur la planète : une membrane noire et forcément artificielle se met à entourer la Terre, sans crier gare. Les satellites se cassent la gueule et les communications sont bloquées tandis qu’un soleil artificiel remplace l’astre habituel. Ça aurait pu en toucher une à l’Humanité sans faire bouger l’autre, toutefois il apparaît que le temps s’écoule des millions de fois plus vite dans le Spin (le nom donné à la membrane). Tellement que d’ici quarante ans, le soleil pètera en une belle supernova. La fin du monde arrive donc plus vite que prévue.
Critique de Spin
Le Tigre a l’impression de crier, telle une pucelle enragée, au chef d’œuvre dès qu’il s’agit de l’auteur américain. Mais Charles Wilson est bon, et comme toujours le qualificatif « science-fiction » ne semble être qu’un misérable cache-sexe à un ouvrage qui, à mon sens, tient plus de la grande tragédie.
Outre la tragédie généralisée de la planète, l’auteur s’intéresse à l’existence de trois individus que nous verrons évoluer. Il s’agira de Tyler Dupree, à l’enfance difficile et qui deviendra un talentueux médecin ; puis les jumeaux Lawton, à savoir Jason (scientifique qui reprendra le business de papa) et Diane (dont Tyler est amoureux, mais qui suivra une voie plus « religieuse »). Non seulement l’auteur nous montrera comment les réactions au spin peuvent varier (suivant une approche scientifique, religieuse ou médicale), mais les relations entre les trois individus (ensemble lorsque le soleil a été caché) sont finement décrites, presque mélodieuses.
Revenons à notre spin. L’Homme dispose de quelques décennies pour survivre, et pour une fois les nations s’accordent à lancer un vaste programme de…colonisation de mars. Sans spoiler, Jason (qui a rejoint Perihelion, la boîte de son père) est un des artisans de la terraformation préalable de la planète rouge. Hélas, celle-ci, une fois pleinement habitée, ne tardera pas à « recevoir » son propre spin. Mais l’aventure martienne a eu pour bénéfice d’en savoir un peu plus sur la membrane, notamment les trucs (nommés les « Hypothétiques ») qui l’auraient mises en place. Car Jason (trahi par sa copine puis reclus) a reçu un traitement à base de nanomachines lui permettant de voir aux confins de la galaxie.
Bref, une pépite dont la progression scénaristique surprend, et offre un dénouement qui annonce une suite haute en couleurs. Un peu d’Alastair Reynolds dans la grandeur de l’idée du Spin, mais surtout des relations humaines traitées de façon magistrale, comme le fait le grand Stephen King – déroutants flashbacks et place accordée à l’enfance notamment. Comme King, quelques longueurs sont à déplorer, toutefois l’intensité demeure, comme un angoissant bruit de fond.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Il ne s’agit pas vraiment de SF, mais plutôt d’une sorte d’uchronie qui, chaque jour, ne se met pas en place. Le spin pourrait apparaître à n’importe quel moment. Le cas échéant, on serait en présence d’un catalyseur de l’aventure humaine à venir. La colonisation de mars, ce serait « classique » si c’était l’objectif premier sur Terre. Et ce qu’il advient dans le roman est crédible, notamment quant à la création d’une civilisation martienne qui a peu de rapport avec la nôtre. A ce titre, Wun Ngo Wen, premier ambassadeur martien qui débarque sur Terre, ne ressemble plus vraiment à un terrien : petit, peau d’aspect lézardée, presque un petit homme vert !
Wilson m’a autant régalé que frustré avec le pourquoi et le comment du Spin. C’est l’apocalypse sur Terre, et l’auteur semble se jouer de nous avec des aller-retour dans le temps parfois déconcertants. Cependant, contrairement à la vision biblique d’une fin du monde (Diane en fait les frais d’ailleurs), l’espoir et la beauté sont omniprésents. [Attention SPOIL] Tout part à vau-l’eau, et intentions du Spin paraissent insaisissables. En particulier lorsque la membrane s’affaiblit et provoque des dégâts climatiques de grande ampleur. En fait, ce rétrécissement a permis le déploiement d’une immense arche en plein océan indien et menant vers un nouveau monde. Une sorte d’absolution pour une Humanité à jamais changée. [Fin SPOIL]. Autant vous prévenir, les derniers chapitres de ce roman ne donnent pas de réponse satisfaisante sur l’origine du spin, Robert C. Wilson en gardant pour la suite.
…à rapprocher de :
– La suite de cette fabuleuse trilogie est Axis, suivie de Vortex (dont j’attends la sortie poche).
– De ce fantastique auteur, les chouchous du Tigre sont Les Chronolithes et Le vaisseau des Voyageurs. Et puis quelques nouvelles bien sympatoches, du genre YFL-500 ou La cabane de l’aiguilleur. Mysterium est moins bon (même si l’idée de la communauté séparée du monde est un thème assez proche). Quant à Julian, c’est certes plus long, mais un peu en deçà de ce qu’on peut attendre de Wilson.
– Bien évidemment, j’ai pensé à Dôme, de Stephen King. Pas encore lu.
– La « logique » qui habite les Hypothétiques m’a dans un premier temps fait penser aux Inhibiteurs de la saga éponyme d’Alastair Reynolds (premier tome ici). Juste au début hein, car ce n’est pas vraiment la même chose.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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Le Tigre va réussir à me faire lâcher mes polars pour revenir à la SF de ma jeunesse, reste les 1800 pages, au gros doigt mouillé, que va compter cette trilogie, pourvu que le style soit un minimum fluide et bien traduit sans quoi ma vengeance sera terrible !
Je ne sais pas comment mais à base d’enlèvement félinesque, de Jean Pierre Pernaut-Ricard lisant un mélange de littérature infâme à base de cut-up de Musso, Levy (BH et Marc), Barbara Cartland, Pierre Mauroy (et son C’est ici le chemin), Dukan et Popeck, du cut-up saignant quoi !
Le Tigre a toute ma confiance.
Commence donc par le premier, tu verras de quoi il retourne. Wilson est à la SF ce que n’importe quel auteur nordique est au polar : c’est calme, posé, contemplatif, souvent long, surprenant. En espérant que le félin ne finisse pas dans une cave miteuse – l’avantage du pseudonymat.
Ah oui les Chronolites est excellent, aussi, probablement un des meilleurs trucs jamais écrits sur le thème de la prophétie auto-réalistraice.
On est bien d’accord. Je résume d’abord Axis, puis Les Chronolites.
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