VO : The Watchman. Un des héros les plus badass de la littérature américaine (bon j’exagère) chargé de faire le garde du corps d’une belle zouze un peu chieuse et perdue contre des vilains trafiquants. Chouette. En plus d’en apprendre un peu plus sur un des protagonistes, Robert Crais nous offre une odyssée d’action plus que satisfaisante.
Il était une fois…
Ci-après la présentation de l’éditeur, avec les commentaires tigresques entre crochets :
« L.A., Hollywood boulevard, en pleine nuit. Lancée à 160 km/h, Larkin Conner Barkley, vingt-deux ans, n’a que faire des feux rouges [qui sont pour elles ce qu’une condamnation est à Sarkozy]. Jusqu’au drame qui va faire basculer sa vie : ce que la riche héritière voit cette nuit-là, à la lueur de ses phares brisés, sonne le glas de son conte de fées [fille blindée…forcément] Devenu un témoin gênant dans une affaire qui la dépasse [double cliché], sa vie ne tient plus qu’à un fil [dernier cliché pour la route]. Son seul gage de survie : Joe Pike, ancien flic du LAPD reconverti dans le privé qui assure sa protection [un taiseux et une riche héritière : vous voyez le truc arriver ?]. La course poursuite peut commencer. Attention : dérapages assurés…[le master des clichés] »
Critique de Mortelle protection
Si les facs acceptaient de financer des thèses sur Daniel Crais, votre serviteur pourrait postuler et amasser, les doigts dans le nez, toutes les bourses. Tenez, rien qu’avec le présent roman je tiens quelques sujets :
La méthode Crais : there is more than meets the eye. Sous cette savante formule se cache une grande qualité de la narration, et non une obscure référence à l’attitude de bombasse d’une des protagonistes. Si le roman débute par une histoire en apparence simple (un méchant veut tuer Larkin pour l’empêcher de témoigner), l’intrigue se complexifie largement. Car Pitman et consorts (des agents du FBI ?), qui causent d’une histoire de témoin primordiale dans une affaire en cours, en savent plus qu’ils veulent l’admettre – voire ils brouillent les pistes. Pike et son ami Cole (aidé de quelques autres) ne mettront pas longtemps à minutieusement tirer les fils ténus (et récolter des indices) jusqu’à des vérités qui ne vont plaire à personne.
Crais, l’action man writer. Ou comment faire passer 420 pages sans lubrifiants. Chapitres de cinq pages au maximum, dialogues brefs et percutants, scènes d’action expédiées en un temps appréciable (tout comme les états d’âmes des protagonistes), voilà le topo. Rien que les premières pages annoncent un rythme endiablé, avec la fuite endiablée (et subie) de Joe Pike et Larkin, le premier tâchant, malgré les épreuves, de protéger la riche héritière. Et ça termine par une belle scène de fusillade, tout ce qui faut pour faire son petit rot final.
Daniel, ou l’humour poussif. Avec l’austérité de Joe Pike – aussi causant qu’un banquier à qui vous demanderiez une renégociation de prêt -, il fallait bien que l’auteur U.S. distille un peu de légèreté. C’est notamment le rôle d’Elvis Cole, rare ami de Pike (et normalement personnage principal des romans) venu à son secours et tentant de dérider la jeune héritière – avec les flops que ça entraîne. Sinon, le moins pire question humour reste ce brave John Chen, déjà rencontré dans d’autres aventures. Avec une narration plus personnalisée calquée sur un personnage doué mais pathétique par son matérialisme et son envie constante de baiser, les chapitres mettant en scène le forensic sont très rafraichissants.
En conclusion, il ne faut pas s’arrêter à ce titre aussi pète-sec et vaguement putassier que le programme d’un homme politique. Ce n’est certes pas de l’immense littérature (d’un point de vue de la richesse du langage), mais pour passer une paire d’heures en se prenant un minimum de plaisir, il y a nettement pire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
C’est en lisant ce petit bijou sans prétention que le félin a réalisé que le pivot des romans de Crais, c’est tout bonnement Joe Pike. Une énigme sur pattes qui a vécu tellement d’expériences (certaines traumatisantes) qu’il y a de quoi régulièrement remplir le chapitre de quelques romans. Et là, c’est la carrière (relativement brève) de Pike en tant que flic qui est contée. Ses exploits à l’étranger en tant que mercenaire (même si le lecteur aura un exemple) ou la relation avec un père violent sont contés ailleurs. Ici, on a l’histoire d’une jeune policier, tout droit sorti des forces spéciales U.S. (ou un truc bien burné de ce genre), qui doit poser sa démission. Car Pike aurait tué un collègue prêt à malmener un pédophile sur le point d’être arrêté. Bien sûr, cette présentation est moins triviale qu’elle en a l’air.
A ce titre, le trait de caractère de Joe P. le plus important reste une indéfectible loyauté où la parole donnée compte plus que tout – d’ailleurs, c’est parce qu’il était redevable envers quelqu’un que Pike s’est engagé dans la présente aventure. Une sorte de super-chien attaché à la personne qu’il protège momentanément (un collègue du boulot, une nana pétée de tunes aussi provocatrice qu’une meute de femen devant Poutine) et dont il donnerait la vie. Un dévouement total qui va jusqu’à ne pas changer pour faire plaisir à celle qu’il, en fin de compte, aime d’un amour pur – oh punaise ça fleure la guimauve cette phrase. En un mot : parce que Pike est aussi amoureux de Larkin (celle-ci tente de se le faire pour faire chier son daron, puis semble éprouver de vrais sentiments), il va la rejeter pour qu’elle vive sa vie.
…à rapprocher de :
– De Crais, il faut surtout saluer les romans mettant en scène les éternels Elvis Cole et Joe Pike. Dans l’ordre de parution, ça donne : Indigo Blues ; L.A. Requiem ; Le Dernier Détective ; L’homme sans passé (mouais) ; le présent roman ; A l’ombre du mal ; Règle numéro un ; etc.
– Sans les héros habituels, Otages de la peur mérite d’être lu. Deux minutes chrono, un peu moins – trop basique.
Enfin, si votre libraire est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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