VO : The Door into Summer. Un ingénieur d’automates révolutionnaires se fait spoiler ses découvertes par ses proches et choisit de fuir dans le futur. Comment recouvrer ce qui a été volé et s’assurer une place dorée au soleil aux côtés de ceux qu’on aime ? Pour un roman écrit en 1956, c’est plus que valable (et ce n’est pas trop long à dévorer).
Il était une fois…
[Il faut savoir que le quatrième de couv’ et, plus généralement, la présentation de l’éditeur sont FAUSSES. Pire, c’est susceptible de constituer un spoil. Tenez-en vous donc à la version tigresque, la seule qui prévient quand elle livre un élément clé de l’intrigue].
États-Unis, années 70. Daniel Boone Davis s’est correctement fait exproprier (légalement, il l’a dans le cul) ses inventions suite aux manigances opérées par la femme qu’il pensait fidèle et son meilleur ami. Désespéré et amer, il a recours à la cure du Long Sommeil qui l’amène en 2001. Pourra-t-il améliorer sa situation, voire changer une partie du passé ?
Critique d’Une porte sur l’été
Pour un roman écrit à la fin des années 50, deux remarques s’imposent. Déjà, le style de l’écrivain américain a peu vieilli, notamment les considérations juridiques faisant que le héros est irrémédiablement baisé par ses partenaires – il en est parfois différemment de l’aspect SF. Ensuite, il est surprenant de lire la double vision du futur qu’a Heinlein, que ce soient les années 70 où les robots sont prépondérants (avec une I.A. sommaire mais efficace, ça devait être un beau fantasme de l’époque) ou le début du XXIème siècle. Lequel ne connaît ni réseau global ni ordinateur, mais où d’autres tendances (concentration de la population ou aide à l’infographie par exemple) ont été correctement supputées.
Passons à l’histoire, qui démarre rapidement et plante de beaux protagonistes. Davis, ingénieur de génie, n’a guère la fibre commerciale. C’est sa copine Belle et son associé Miles qui s’en occupent. Ces loustics souhaitent vendre la boîte et se faire plus de flouze, et par quelques astuces parviennent à évincer le héros de sa propre entreprise. Ce dernier désire se venger en se « faisant » endormir par une procédure de cryogénie pour se réveiller 30 ans plus tard. Hélas, la veille de son « voyage », Davis est drogué par Belle qui achève de lui piquer ses derniers biens. En plus d’empêcher Pete, le chat nonchalant de Davis, de faire le Long Sommeil à ses côtés. Première moitié de l’œuvre placée sous le signe de la rancœur donc.
Une fois transporté dans les années 2000, Davis est un peu à la traîne et ne voit pas comment rebondir dans ce monde qui a tant changé. [Attention SPOIL] Jusqu’à ce qu’un de ses collègues lâche le morceau : y’a un scientifique (Twitchell de son p’tit nom) qui aurait pu envoyer des gens dans le passé. Après avoir provoqué le vieil homme, Davis parvient à retourner 30 piges en arrière pour réparer deux-trois choses afin que son avenir soit radieux – en particulier avec Ricky, gosse de dix ans avec qui il se sent le plus proche. Pas évident de penser à tous les détails, heureusement ses actions se goupillent correctement. [Fin SPOIL]
Ainsi, ce roman n’est pas tant un ouvrage de S.F. qu’une expérience de pensée sur les paradoxes temporels et une belle fable sur la recherche du bonheur par un individu opiniâtre qui se fait mille nœuds dans le cerveau à chaque heure. Le lecteur exigeant ne relèvera pas ici et là les approximations scientifiques bancales pour notre époque, celles-ci étant effacées face à la portée universelle du message délivré par Robert Heinlein. Un titre assez classique (sinon ronflant) dans les premiers chapitres, dont l’intérêt explose au fur et à mesure. Pas mal.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le titre renvoie à Pete, le chat de Davis qui demande à ce que soient ouvertes toutes les portes de la maison de son maître dans l’espoir qu’une s’ouvre sur un été resplendissant. Il en est de même du protagoniste qui actionnera plusieurs portes (fuite en avant, confiance en certaines personnes, nouvelles inventions, voyage dans le temps) en vue de trouver son été, période heureuse où il n’a à s’inquiéter de rien. Il est alors question d’une certaine persévérance : si une maison (sa propre vie) semble perdue au milieu de la déprime et du désespoir hivernal, il existe forcément quelque part un endroit donnant sur la félicité.
A la fin du roman, Davis se demande tout de même si ses actions violant la temporalité n’ont pas créé des univers parallèles. Point de physique quantique ou de chat de Shrödinger. En revanche, un autre chat (Petronius aka Pete) occupe une place prépondérante. En tant que félinophile, comprenez que j’ai été ravi par la connaissance intime de l’auteur de la philosophie de ces bêtes indépendantes dont la domestication n’est jamais acquise. De passionnantes discussions ont lieu entre les deux compères (deux célibataires rejetés de toute part), la présence du chat contribuant de surcroît à créer une atmosphère plus poétique où la sagesse est reine. Petit bémol : Pete semble trop attaché à son Davis et ne le défend que trop bien, doit y avoir des restes de gênes canins traînant dans son ADN.
…à rapprocher de :
– De Herbert, le félin n’a hélas pu terminer Sixième colonne. Je devrais sans doute retenter la chose.
– La fin de l’éternité, de l’immense Asimov, offre également de belles idées sur le voyage dans le temps.
– Histoire de pardon, de temps qui passe, c’est Pushing Ice (Janus en VF) d’Alastair Reynolds.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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