VO : idem. Dans un futur idéalisé et plutôt joyeux, un vaisseau d’exploration est sur le point de découvrir le sens de la vie (pas moins). Écriture soignée et histoire extrêmement ambitieuse, hélas il subsiste un sentiment d’incomplétude dans ce roman de (presque) science-fiction qui ne donne pas assez de coups de pied dans la fourmilière de l’espace.
était une fois…
Fin du XXIème siècle. Le Starplex est un zoli vaisseau (regardez la couverture les amis) construit par le Commonwealth des planètes afin d’explorer l’espace. Non, rien à voir avec Star Trek puisque l’équipage utilise des transchangeurs, sorte de mini trous noirs artificiels leur permettant d’aller aux quatre coins de la galaxie. Et la vie n’est pas facile à bord de l’engin où cohabitent plusieurs races E.T. et terriennes (humains et dauphins). L’équilibre est précaire…[oui c’est trivial comme dernière phrase d’accroche]
Critique de Starplex
Tout d’abord, petit mot sur le quatrième de couverture. Non, il ne s’agit pas de préserver la paix intergalactique et/ou de transformer le Starplex en navire de guerre prêt à botter le cul des méchants. Car la phase de combat a beau prendre quelques chapitres, le félin n’a accordé que peu de crédit aux salamecs militaro-scientifiques qui donnent l’impression de combats réalisés le doigt mouillé haut levé.
Ce qui est intéressant, en revanche, est la double problématique qui anime Keith Lansing, commandant du vaisseau-monde qui saute d’un endroit à l’autre grâce à une technologie activée par hasard – laquelle est fort utile. D’une part, le mec doit gérer pas moins de quatre races du Commonwealth, notamment le fier Jag, un Waldahud ronchon qui aboie quand il parle dont la civilisation est naturellement portée sur les rapports de force (les Ebi ou autres E.T. sont plus cools aux entournures). Sans oublier une jolie pépée de vingt ans de moins que lui et qui est susceptible de mettre à mal son couple – cet aspect est d’un réalisme suspect…
D’autre part, le groupe fait la rencontre d’un énième type d’espèce, à savoir des êtres faits de matière noire et ressemblant à des planètes. Or, ces entités (les Génoirs, paye la traduction FR qui fait moins sexy) sont bien plus vénérables que prévu et sont à même de faire comprendre certains mystères fondamentaux. Comme souvent chez l’auteur canadien, les derniers chapitres essaient d’envoyer du gros pâté, du genre voyage dans l’espace / survie de l’univers / notion de déité / immortalité. Et ça a failli perdre votre serviteur qui n’en demandait pas tant.
J. Sawyer ne manque certes pas de talent, mais son style limpide est parfois écrasé par des descriptions scientifico-pipo-ésotériques cachant la merde de l’approximation sous le tapis d’une narration fluide. Il en résulte un roman plus « fantastique » que de hard science, égratignant au passage la crédibilité des péripéties… mais c’est oublier que l’écrivain est avant tout un conteur dont l’humanisme et la gentillesse ressort de tous les protagonistes. Une œuvre feel-good, en quelque sorte – sauf que Le Tigre n’est guère porté sur les happy ends.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le dialogue inter espèces est en première ligne et représente une bonne partie des difficultés de nos héros. Déjà, l’Humanité a mis un certain temps à se rendre compte de l’intelligence des dauphins. Alors imaginez le bordel quand il s’agit de communiquer et s’adapter aux susceptibilités d’espèces extra-terrestres. Rien que la conception du vaisseau pour coller à la morphologie/biologie de ses habitants est suffisamment cauchemardesque pour se demander s’il n’y avait pas une solution plus simple – en matière de diplomatie, la réponse est souvent « non ». Dès la rencontre avec de nouvelles créatures, la mise en place d’échanges compréhensibles est assez bien abordée : repérer une fréquence de communication, commencer par des mathématiques basiques (booléens pour être précis), puis introduire de nouveaux mots jusqu’à verser dans les concepts.
La constante de Sawyer est la gradation dans le « sense of wonder » – même si les chapitres en rédigés en italique donnent une indication sur l’étendue du bazard. D’une balade d’agrément dans l’espace avec un staff qui gère tranquillou la pression, le lecteur finira la lecture avec des révélations à couper le souffle qui débarquent telle une nuée de moineaux (entendez : c’est trop pour avoir une vision d’ensemble satisfaisante). En effet, l’auteur fait montre de peu de finesse et livre en vrac des dialogues fleuve (à l’américaine oserais-je dire) impliquant tour à tour la raison de la forme ellipsoïde des galaxies, les conséquences d’une existence vieille de milliards d’années, voire un peu d’exo-psychologie afin de préserver la paix.
[Le félin n’avoue pas n’avoir rien capté, mais tant qu’à se faire plaisir Robert J.S. aurait pu pondre plus de 300 pages. Ou pondre plus d’un roman]
…à rapprocher de :
– De cet auteur, le fauve a nettement préféré Calculating God (tiens, encore une référence à un dieu architecte) ou Flashforward (références encore à l’immortalité).
– Les énormes entités et la manière de gérer l’immortalité se retrouvent notamment dans House of Suns, de l’immense Alastair Reynolds.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Robert J. Sawyer – Flashforward | Quand Le Tigre Lit