VO : idem. L’Irlande du Nord, Belfast, les nombreux antagonismes locaux, des personnages savoureux à qui il manque plus d’une case, voilà un bon moment de littérature. Si ce n’est pas le meilleur titre de cet auteur (notamment le début qui est loin d’être prenant), Eureka Street reste une pépite d’humanité et d’humour corrosif sur un sujet plutôt sensible.
Il était une fois…
Jack Jackson, catholique de son état (c’est bien lui qui est papiste ?), habite Belfast. Avec ses amis ils en tiennent une sévère couche, à l’image de Chuckie Lurgan, protestant bien en chair qui se découvre une âme de serial entrepreneur. Tous ces individus qui gravitent autour de la fameuse rue Eureka nous introduirons dans une ville belle mais violente où tout semble possible.
Critique d’Eureka Street
Acheté dans la foulée de Ripley Bogle, Le Tigre a dévoré ce mignon pavé d’un demi-millier de pages avec le sourire. Robert MacLiam Wilson est un conteur de qualité qui sait nous prendre aux tripes avec des aventures en Irlande du Nord et au-delà (on fera un tour du côté des States).
Le scénar’ m’a fait l’effet d’un courtois diésel, j’avoue avoir eu un peu les jetons au début : la présentation des protagonistes (quatre ou cinq) prend un certain temps et il ne se passe pas grand-chose de sexy dans leurs existences. Mais c’est sans compter le bon Chuckie, personnage d’exception maqué à la pétillante Max (touche américaine de l’œuvre) qui va superbement emmancher les différents organismes d’attribution de bourses (URB et IDB) et se faire des couilles en platine. Auréolés de cette tune fraîche, il va exploser les tableaux financiers en attirant, presque malgré lui, un milliardaire américain à moitié dingue.
La narration est à la première personne pour Jack, héros principal orphelin et encore traumatisé par le départ de sa belle Sarah. Les autres chapitres (tous de taille normale) font état d’un récit omniscient. L’auteur dispose d’une large palette d’expressions et de vocabulaire, et pas une seule fois j’ai eu l’impression de tourner en rond.
Ce n’est hélas qu’à partir de la trois centième page que j’ai pris un immense pied à parcourir ce roman. L’avant est bon, certes, mais les passages plaisants (ceux où Le Tigre s’est bien tapé sur les cuisses) restent majoritairement quand McLiam Wilson introduit un nouveau personnage ou décrit, sur plus de dix pages, les terrifiantes conséquences d’un attentat à la bombe (sans en faire trop). A acheter les yeux fermées, toutefois si vous n’avez pas le temps préférez un autre titre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Belfast la traumatisée. L’Irlande du Nord était, à l’époque du roman (milieu des années 90), l’équivalent ouest-européen de Beyrouth en guerre. Comme le dit si bien l’écrivain, c’est la « patrie des nationalismes calorifiques, de la christôlatrie et d’une population morcelable et décimable à merci« . En sus, Robert prend un malin plaisir à égrener, de temps à autre, les différents sigles des organisations qui pourrissent le pays : DUP, UVF, INLA, IPLO, IJKL, MNOP, QRST, IRA (tiens, la connais celle-là), ANC, UDR, RUC ou UFF. Un des intrigues du roman est également de savoir qui se cache derrière les initiales OGC, inconnues de tous. Nouveau groupe terroriste, mot d’ordre, secte, termes choisis au hasard ?
Derrière l’humour et les quiproquos délirants (notamment Chuckie aux Etats-Unis), il y a une charge féroce contre ceux aux idées moribondes qui entretiennent le bordel ambiant. Selon certains, cette ville n’est divisée ni par la politique (Paisley contre les Républicains par exemple) ou la religion, mais simplement par le fric. L’argent semble alors la distinction la plus fiable et sur laquelle tous peuvent se mettre d’accord. Il est souvent sous-entendu que ces antagonismes ne sont entretenus que pour permettre à certains de s’en mettre plein les fouilles, ce que fait un des héros au final. Celui-là même qui fait preuve d’obscurantisme en apprenant que sa mère est devenue lesbienne (bon, ça peut faire bizarre j’en conviens).
…à rapprocher de :
– De cet auteur, j’ai particulièrement adoré Ripley Bogle. Une tuerie, presque le roman d’une génération. La douleur de Manfred m’a moins plu hélas.
– En version polar, il y a Stuart Neville et Les Fantômes de Belfast, on ne m’en a dit que du bien.
– L’Irlande mystérieuse, hélas mal abordée, c’est Tromper la mort de Maryse Rivière.
– L’attentat à la bombe m’a brièvement rappelé un passage de Bienvenue au club, du bon Jonathan Coe. Un autre classique.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Maryse Rivière – Tromper la mort | Quand Le Tigre Lit
Ping : Robert MacLiam Wilson – La douleur de Manfred | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jonathan Coe – Bienvenue au club | Quand Le Tigre Lit
C’est (je crois) rare de voir un tel sujet traite avec humour. Généralement ça donne lieu a des œuvres sociales et/ou politiques (Au Nom du Père, très bon film avec Daniel Day-Lewis) ou bien des polars et/ou romans d’espionnage (j’ai lu un SAS qui s’y passait je crois). Mais c’est pas vraiment le sujet qui augure une grosse poilade habituellement.
En tout cas, le Tigre donne envie de découvrir cet auteur!
Merci CQFD ! Je vous conseille Ripley Bogle d’abord, bien plus pathétique (dans le bon sens du terme). Sinon, pour la description d’une génération britannique, Jonathan Coe et son Bienvenu au Club reste un indémodable classique (humour plus « british »). Je vais l’indiquer de ce pas.
Ping : Robert McLiam Wilson – Ripley Bogle | Quand Le Tigre Lit