VO : The Man in the Maze. Un homme maudit que nul ne peut approcher, une équipe qui doit venir le chercher au milieu d’un labyrinthe imaginé par des E.T. un peu fous fous, il y a de quoi se régaler. Silverberg est un auteur incontournable de la SF du 20ème siècle, et ce court roman fait l’effet d’un coup de poing dans le plexus.
Il était une fois…
Dans un futur indéterminé, Richard Muller avait été envoyé sur la planète des Hydras pour nouer un contact entre l’Homme et l’espèce locale – sans succès. Hélas, après cette mission, Richard devient littéralement infréquentable. A chaque fois que quelqu’un l’approche, l’écœurement est insupportable. Face à cette malédiction inconnue, Muller est plus ou moins contraint de s’exiler sur Lemnos, au beau milieu d’un terrible labyrinthe d’où l’extraire relèverait du parfait suicide. Sauf que l’espèce humaine va à nouveau avoir besoin de lui…
Critique de L’Homme dans le labyrinthe
Voilà de la belle littérature, de la SF presque indémodable car présentant des idées aussi bizarres que malsaines. Le plus beau est que malgré la densité du texte (et des chapitres peu nombreux), ces quelques 200 pages se liront à une vitesse déconcertante.
L’intrigue démarre tranquillement, et il faudra attendre un peu pour mesurer l’étendue du génie de Silverberg. On commence avec le diplomate Charles Boardmann, individu puissant qui a la tâche peu enviable de ramener sur terre le Robinson Crusoé de l’espace. Car l’Humanité est en fâcheuse posture contre de nouveaux extra-terrestres qui transforment les populations attaquées en chatoyants zombies. La Terre et ses colonies sont tellement dans la mouise que leur dernière idée est de recourir au héros dans son labyrinthe, imaginez le désastre qui se profile.
Sauf que trouver Muller dans sa « prison » est plus que dangereux, et le diplomate aura un mal de chien à évoluer dans un labyrinthe conçu par une espèce inconnue qui devait avoir de sacrés problèmes mentaux. Parallèlement à cette quête, le lecteur évoluera dans l’univers de souffrance résignée d’un homme qui s’est fait à la solitude et n’attend plus rien de l’Humanité. Glaçant à souhait.
Tout ça pour dire que l’univers glauque et sombre de l’auteur américain fait merveille, on a aucunement envie d’être à la place des protagonistes cloîtrés dans un environnement méchamment hostile. Le style de l’œuvre, qui vieillit certes, n’en reste pas moins efficace car concis, c’est le genre de romans qu’on se plairait à relire – rien que pour les descriptions de l’aura maléfique qui ressort du prisonnier du labyrinthe. Néanmoins, et car il faut un « mais », j’ai trouvé le final intensément frustrant : mais qu’a bien pu faire le héros aux envahisseurs venus de l’espace ?
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le labyrinthe est au centre du roman, et il faut avouer que les caractéristiques d’un tel lieu sont exploitées de manière optimale. Car il ne s’agit pas de vulgaires jeux de miroirs ou autres petits pièges à l’attention d’enfants gâtés. Nous parlons ici de technologies supérieures au service d’illusions efficaces capables de mettre en péril n’importe quel cerveau humain. Boardmann, assisté d’une autre personne et de nombreux robots pour ouvrir la voie (la plupart étant détruits), se rend rapidement compte que la planète-labyrinthe est entièrement conçue pour empêcher toute tentative de balade – rien que le champ de force autour de cette dernière est un sérieux avertissement.
Concomitamment, notre héros paraît ne pas trop mal s’en sortir dans cet enfer. Il a presque appris à le dompter, et ne souffre presque plus de l’absence de contacts humains. Et oui : de façon plus insidieuse, Robert Silverberg amène le lecteur à s’interroger sur la qualification de l’être humain. Muller fait-il encore partie de l’Humanité, sachant que celle-ci souffre intensément de sa présence ? Cette question est d’autant plus troublante que le protagoniste principal semble être l’ultime rempart, le dernier recours de l’Homme. Il y a un savant mélange de culpabilité et de rejet épidermique vis-à-vis de Muller, ce serait presque un délicieux paradoxe.
…à rapprocher de :
– De Silverberg, je ne saurais trop vous conseiller Les Monades urbaines. Un classique.
– Dans ce qui est les délires labyrinthiques, Amelith Deslandes et son Chair et tendre vaut la peine d’être lu.
– La planète-labyrinthe se retrouve dans une des planches des Idées noires de Franquin. C’est tout à propos.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Je viens de le terminer hier! J avais déjà lu les monades, je suis maintenant sur « l oreille interne », je sens que j’ai trouvé un nouvel auteur à écumer!
Cela fait un bon moment que je n’ai pas lu de Silverberg, il faudrait que je m’y remette à l’occasion.
Moi aussi. Et ce ne sont pas ses romans qui manquent…
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