Titre long et sans appel, œuvre relativement courte mais dense, sujet sensible admirablement traité, en fait il n’y a pas vraiment d’excuses pour passer à côté de Romain Gary. En parlant de l’impuissance virile avant l’apparition d’une petite pilule bleue, l’auteur a su faire simple, tendre et juste.
Il était une fois…
Le quatrième de couv’ est plus que correct, ce serait dommage de ne pas le reproduire :
« Jacques Rainier, cinquante-neuf ans, industriel, est aux prises avec des difficultés en affaires au moment où sa liaison avec une jeune Brésilienne le rend très heureux. À la suite des confidences angoissées d’un ami obsédé par le mythe de la virilité, la peur du déclin sexuel s’insinue en lui, l’envahit, le détruit, ne le quitte plus.En osant s’attaquer à un sujet tabou, Gary a soulevé un débat passionné, qui a connu un grand retentissement. Mais son livre cru et dur, dominé par un humour amer, reste aussi un roman d’amour plein de tendresse. »
Critique d’Au-delà de cette limite votre billet n’est plus valable
Déjà un bon bout de temps que j’ai lu ce roman, et pourtant le souvenir reste quasiment intact. La situation du vieux Rainier, qui a de frustrantes difficultés à honorer la jeune Laura, bandante Brésilienne de son état, serait presque universelle si la médecine n’avait pas fait tant de progrès depuis les années 70 (merci Pfizer).
Romain Gary aborde ici un sujet qui, de prime abord, ne touche qu’une frange bien précise de la population (les hommes de plus de soixante berges) et qui semble en outre s’intéresser qu’à un unique point négatif de la vieillesse. Toutefois l’auteur français a choisi d’uniquement s’occuper de la « mâle attitude » grâce à un narrateur obnubilé par le déclin de son vit. Il le reconnaît certes, mais en ferait presque une affaire d’état (exemple page 117 il me semble) :
Ah ! l’affaire d’homme ! dit-il presque tendrement. Les endroits où l’homme place son honneur, c’est incroyable… Les couilles devraient pousser sur la tête, comme une couronne…
« Tendrement ». L’adjectif est lâché. Car grâce à un style plein d’auto-dérision, et de tendresse douce-amère, l’auteur va au-delà du sujet et parvient à intéresser un public bien plus large, pour preuve quelques amies du Tigre qui ont apprécié la lecture de cet ouvrage. Pourtant, avec un nombre de chapitres plutôt restreint et une écriture fournie, il y a souvent de quoi avoir envie de terminer Au-delà de cette limite…
Pour conclure, la métaphore du titre ne fait qu’annoncer une écriture plaisante et touchante, agrémentée de quelques passages un poil politiquement incorrects sur les petits Arabes « à tête de futurs balayeurs » du quartier de la Goutte d’or. Le narrateur fait ce qu’il peut pour oublier son état, quitte à s’oublier un peu dans le vocable utilisé.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’impuissance masculine est donc profondément (sans jeu de mots relatif à la prostate) traitée dans ce roman. La souffrance psychologique du protagoniste principal est intense et ce dernier tente tout pour y remédier. Bains relativement inefficaces, suivi médical complet, trempage de couilles dans le potage (ou quelque chose dans ce genre), Jacques ne laisse rien de côté. Plus grave encore, il ira jusqu’à imaginer de virils inconnus (étrangers de préférence) sautant sa petite amie pour donner un peu de contenance à son instrument.
Corolaire de l’impuissance, il y a l’amour contrarié par la diminution physique du héros. Comment espérer la réciproque amoureuse lorsqu’on n’aime pas ce qu’on devient ? Le papi est d’autant plus touchant qu’il bascule dans le glauque pour régler sa situation préoccupante. Notamment préférer quitter l’amour de sa vie, voire se suicider, plutôt que d’accepter de ne plus être à la hauteur de ses propres exigences. Laura aura beau montrer à quel point le sexe n’est pas tout, le sexagénaire ne l’entendra pas de cette oreille.
…à rapprocher de :
– De Gary, il ne faut pas passer à côté des Racines du ciel ou La vie devant soi (écrit sous pseudonyme). La Promesse De L’Aube, Les Cerfs-Volants, Clair de Femme, même constat – même si je ne les ai pas lus.
– Un film canadien éponyme, sorti au début des années 80, est également à signaler. Je ne l’ai hélas pas vu.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : DodécaTora, Chap.MT : 12 écrivains suicidés trop tôt | Quand Le Tigre Lit
Joli billet sur Gary le Niçois… et un petit clin d’oeil de la Griotte, niçoise ni soumise en passant 😉
Salut Griotte ! J’adore ton avatar, ça sent bon le sud.
Permettez-moi, Messieurs, de vous rassurer : tous les « hommes de plus de 60 berges » n’ont pas de souci à ce niveau de leur anatomie … Heureusement pour nous, d’ailleurs ! 😎 Mais c’est vrai que vous placez parfois votre honneur -je n’ose dire votre virilité- à des endroits … euh … pfff … n’importe nawak. Keep cool, man, la vie c’est pas seulement ça !
Ma liste des « à trouver » s’allonge.
De Gary, il ne faut passer a cote de rien!
La Promesse De L’Aube, Les Cerfs-Volants ou Clair de Femme sont tout bonnement merveilleux également.
Le titre est tellement long que le ticket s’est transformé en billet 😉
Ooooh, très joli ce jeu de mots. En suis friand. Heureusement que j’avais ma carte « grand lecteur », ça m’a coûté moins cher.