[ça pourrait être aussi une garde-robe de star ou un montgolfière] Extraordinaire, en effet. Pas crédible pour un sou, l’histoire du fakir voyageur malgré lui est placée sous le signe de la franche déconne. Avec des personnages truculents et des situations autant rocambolesques que délurées, Romain Puértolas s’est fait plaisir. C’est son droit. Mais de là à dire qu’il a fait plaisir au Tigre, non.
Il était une fois…
Ajatashatru est un Indien, tiers magicien, tiers fakir, tiers escroc à la petite semaine. On lui a payé un voyage vers la France afin qu’il puisse aller chez IKEA acheter un lit clouté (si si). Dans le magasin de facture scandinave, Ajatash’ fait la rencontre de la triste Marie, femme en manque flagrant d’amour. Or, souhaitant passer la nuit dans l’établissement, notre ami se trouve bloqué dans une armoire qui n’a pas vocation à rester sur place.
Critique de L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea
Une connaissance fort influençable m’a prêté ce roman dont elle ne tarissait pas d’éloges. Pour être honnête, j’avais déjà repéré ce truc un peu partout (médias, librairies) et supputait que je n’y échapperai pas. La dernière page refermée, Le Tigre a rapidement calculé le rapport qualité/renommée, et le résultat est loin d’être fameux.
Pour faire bref, le héros va visiter du pays, à savoir : l’armoire dans laquelle il est caché est transportée jusqu’à Londres (il se fait choper avant) ; puis les douaniers vont le renvoyer à Barcelone ; il prendra un avion vers Rome (planqué dans la valise de Sophie Morceaux, célèbre actrice) ; enfin choppera un aller sans retour vers la méditerranée, d’où un navire le récupérera avant de se diriger dans la Libye post khaddhafiste. Si le gus voyage autant, c’est autant par malchance que pour échapper à Gustave Palourde, taxi gitan qu’il a arnaqué avec un faux biffeton de 100 euros.
Les pérégrinations du fakir se suivent à un rythme enchaîné, aidé en ce sens par des chapitres extrêmement courts. Néanmoins, et pour finir, j’ai été plus qu’hermétique au style de l’auteur français. Déjà, un frisson m’a envahi dans les premiers chapitres : le nom du héros est phonétiquement renommé à toutes les sauces. Une fois, certes. Mais pas dix fois putain. Ensuite, quelques remarques franchissent allègrement le quatrième mur, et cette proximité affichée et catapultée par de gras clins d’œil tombe à l’eau. Enfin, le vocabulaire utilisé est plutôt pauvre, fait de nombreux lieux communs et clichés littéraires.
Soit Le Tigre commence à éprouver le besoin de lire de la prose chiadée et cet ouvrage qui verse dans la facilité n’est pas fait pour moi ; soit l’écrivain a constamment versé dans le second degré, auquel cas il aurait pu aller plus loin dans la déconne. La fin, en particulier, dégouline un peu trop le happy ending en plus d’effectuer des auto référencements assez criards.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le premier sujet qui m’a marqué tient en ces quelques mots : l’Europe dans tous ses états – c’est joliment dit, avouez. Il faut signaler qu’à chaque fois qu’Ajatrucmuche franchit une nouvelle frontière, les chapitres qui suivent sont annoncés par l’indicatif du pays tel qu’on le retrouve sur les plaques de voiture. Voilà pour l’aspect « road trip ». En tant que personne de couleur maîtrisant mal la langue, notre héros est plus qu’à son tour assimilé aux clandestins qui tentent leur chance sur le vieux continent. C’est alors l’occasion, pour le lecteur, de « goûter » l’hospitalité des institutions locales qui se repassent les clandestins comme on s’offre les mêmes boîtes de chocolats (dixit l’auteur) – la Libye à la dérive en prend tout autant pour son grade.
L’Europe est également une grande famille où il est possible de se déplacer (sauf pour les immigrés), comme en témoignent les relations de la famille tape-à-l’œil Palourde à travers le continent – et la facilité à tisser de nouveaux liens. Face à ces protagonistes qui peuvent voyager librement, il y a la famille des exclus, ceux qui n’ont pas d’autre choix que de fuir leurs pays et errent, encore optimistes, dans les gares ou près des ports afin de rejoindre un eldorado qui n’en est pas un.
Le dernier point qui mérite d’être souligné est la mise en abîme, à savoir que le héros trouve le temps d’écrire un court roman lors d’un inconfortable déplacement. Grâce à l’aide de Sophie Morceaux, il est mis en contact avec une maison d’édition enchantée par son texte – et qui lui fournit une improbable avance. Si la condition de l’écrivain en devenir est rapidement traitée, j’avoue ne pas avoir très bien saisi l’intérêt de cette sous-intrigue. Voire pas du tout.
…à rapprocher de :
– Sans être méchant, ce titre me rappelle un autre succès que Le Tigre n’a pas apprécié à sa juste valeur. Il s’agit Du vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, de Jonas Jonasson. Même titre à rallonge, même histoire mignonne comme tout, même ennui généralisé.
– Pour la condition d’immigré en Europe, lisez plutôt Dans la mer il y a des crocodiles, de Fabio Geda. Émouvant à souhait.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Le Tigre fait d’une pierre deux coup m’épargnant le fakir ikea et le vieux grincheux ( enf ait surtout le vieux grincheux le fakir j’en avais pas entendu causer). Merci de soulager mes futures lectures estivales qui vont se recentrer sur du H. S. Thompson et du Léo Mallet et puis d’autres trucs mais pas de livres en carton mâché.
Puisque le Tigre est sensible aux titres « originaux » et accrocheurs je lui conseille de Jean Baptiste Schiller « Et si on envahissait les USA »
Ça commence comme cela: » – Et si on envahissait les Etats unis ?
L’assistance éberluée, se tourna vers la porte des toilettes qui venait de s’ouvrir sur le jeune ministre du Sucre et du café du gouvernement provisoire de Sessondfer Lepitre Président provisoire d’Haïti. »
L’histoire en deux mots: Le Président provisoire d’Haïti pour renflouer les caisses de l’état (et rester au pouvoir) va envahir les USA …
Je suis content que le tigre ait lu ce livre que je vois partout depuis un moment, et qui me faisait aussi envie qu’un taco froid. Au moins je suis rassuré dans ma volonté de ne pas lire ce livre et jeter mes sous dans un autre roman à la couverture moins Paint-esque cet été.
A bientôt cher tigre, bisous
Bisoo tous [ou inversement]
Le titre rappelle surtout « Les fabuleuses aventures d’un indien malchanceux qui devint milliardaire » qui m’avait proprement enchante.
Sinon cher Tigre, comment reconnait-on une auto-référence?
A la fin de cette mini-bouse, le héros décide de commencer à rédiger un roman, dont la première phrase est la même que celle du présent roman (est-ce clair?). Auto-référence ou double mise en abîme, j’avoue ne pas avoir cherché plus loin un terme adéquat.
Bon je vais lire autre chose alors…
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