VO : What We Did to Father [notez bien comme le titre original, lui, ne spoile pas. Encore une brillante idée à la française]. Il y a longtemps, sur Terre, une famille particulière est sur le point de basculer le destin de l’Humanité vers l’homo sapiens. Loin d’être éblouissant, toutefois ça passe comme papa dans môman, de 12 à 77 ans.
Il était une fois…
Pendant je-ne-sais-quelle-foutue période de la préhistoire, une pétillante famille découvre les vertus (et les problèmes) de l’évolution sous l’égide d’Édouard, le pater familias. Ce dernier, inventeur de génie, va bousculer les habitudes de sa tribu, laquelle est partagée entre l’enthousiasme le plus naïf (faut dire que ces améliorations ont du bon) et une légitime peur primaire (le feu, ça brûle).
Critique de Pourquoi j’ai mangé mon père
J’ai dû relire en diagonale cet ouvrage pour être bien sûr de l’impression qu’il m’avait laissé : passé le premier ravissement, c’est presque de la daube en boîte. Roy L., tel un journaliste (c’est son métier d’ailleurs), jouit d’une écriture directe (sèche même) qui se charge de conter une histoire à partir de faits bien déterminés – découverte du feu, de l’exogamie, de la guerre, etc..
Le quotidien de la famille australopithèque (je ne réponds pas de la réalité de ce terme) est narré par Ernest, le fiston benêt qui subit (et parfois accompagne) des milliers d’années de développement de l’espèce humaine. Cuisson des aliments, utilisation d’épices, premiers conflits de territoires, domestication, sexualité, ça ressemble à une conférence d’anthropologie racontée avec un certain brio. D’autant plus que des problématiques résonnent, non sans justesse, avec nos gros tracas contemporains.
Hélas, ce qui m’a profondément gavé dans ce titre est le décalage entre ce que vend l’éditeur et mon ressenti. Le quatrième de couverture parle d’humour dévastateur et explosif, quelque chose que vous ne saurez lâcher avant de le terminer. C’est faux putain ! A peine si j’ai esquissé un rictus, l’impertinence à l’anglaise, entre exultation (le doigt sur la couture du futal) et retenue de Britannique coincé, ne passe pas ici. Cela se veut de temps à autre choquant, mais c’est avant tout gentillet. Heureusement que ces 200 pages abondamment chapitrées se lisent vite, je n’en pouvais plus de la prose de l’auteur.
En fait, je sais ce qui a cloché : c’est un roman destiné aux adolescents. Le journaliste économique qui s’intéresse à l’anthropologie a voulu versé dans le didactique et ne pas prendre de risques littéraires. Et c’est globalement réussi, ça ne m’étonnerait pas de savoir que beaucoup de « jeunes » ont (re)découvert les joies de la lecture avec ce bouquin.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Bien que ce soit un roman à l’attention des pour adolescents, le lecteur pas trop atteint pourra déceler et développer des aspects permettant de briller en société :
Pourquoi j’ai mangé mon père reprend le combat universel des progressistes contre les réactionnaires, tout ceci auréolé d’une lutte familiale assez classique. Édouard est inarrêtable dans ses découvertes mais se heurte à son frère qui freine des quatre fers par rapport à ces nouveautés. Lequel, néanmoins, abandonne parfois sa frousse (certes compréhensible) et ses nombreux appels à « retourner dans les arbres » pour se plier, non sans joie, au confort apporté par son frère. Entre réelles avancées techniques (et sociétales) adoptées par tous et progrès de façade qui n’en est pas un, comment déterminer à quel moment on s’égare ? Lorsqu’on n’a pas réfléchi aux conséquences (exemple du feu inventé avant le métier du pompier) ?
Quant au titre original, celui-ci laisse penser que quelque chose de terrible est arrivé au père du narrateur. Pour tout vous dire, il a été bêtement tué à cause d’une nouvelle arme inventée par Édouard. Ce même outil que son fils utilisera contre lui, avec de terribles conséquences. Voilà pour le spoil vite fait.
Pour clore le débat, j’ai bien l’impression que Roy Lewis, en bon Anglais qui se respecte, a benoitement pompé la Bible – à sa décharge, tout le monde l’a fait. Le paternel d’Ernest, homme tout-puissant, paraît faire le boulot du bon Yahvé avec ses recommandations : fin de l’inceste (nos amis sont obligés à aller prendre femme chez d’autres tribus), utilisation des animaux (notamment pour les manger), et surtout le péché du feu qui les fait quitter leur nid douillet. Ceci m’a furieusement rappelé l’expulsion du jardin d’Eden après avoir découvert quelque chose que les Hommes n’étaient pas censés connaître.
En rajoutant des conflits qui s’appliquent parfaitement à notre siècle, une intuition met peu de temps à éclore : rien ne change. L’Histoire se répète.
…à rapprocher de :
– Roy a également écrit La Véritable Histoire du dernier roi socialiste, sorte de roman uchronique dans une Angleterre qui a cédé aux sirènes du luddisme. Point lu pour l’instant. Le luddisme, c’est tout l’Oncle Vania.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ne seriez-vous pas un peu severe sur cette critique mon cher Tigre?
Certes ca se lit le temps d’une chenille a un mariage d’unijambiste mais le propos etait loin de me deplaire.
Par les temps qui courent, il n’y a que trop de rappel a la mefiance envers les militaires, les religieux et les traditionnalistes de tout poil. Et Roy Lewis montre de maniere simple (mais non simpliste) et evidente que l’union de ses « pouvoirs » ne se fait qu’au detriments des arts et des sciences.
Ah et je dois lire La Véritable Histoire du dernier roi socialiste egalement. Je vais le commander de ce pas.
Marrant, le blocage inhérent de ces « institutions » vis à vis de la science ne m’avait pas sauté à la gueule, j’ai juste souvenir d’un truc qui se veut drôle et est simplement horripilant. Je dois avoir un problème avec certains Anglais – comme Tom Sharpe, que j’adore ou déteste selon l’humeur.
SPOILER!!!!!
Alors je l’ai lu il y a de nombreuses annees donc c’est un peu brumeux mais il me semble bien que le traditionaliste de service refuse toute innovation en particulier le feu jusqu’a ce qu’il comprend qu’il va pouvoir s’en servir d’arme… un militaire quoi.