Bref essai sans prétention, voilà de quoi mieux appréhender le cyberpunk dans tout ce que celui-ci a de plus sombre. Lorsqu’un sous-genre de la littérature devient un miroir grossissant de ce qu’il peut advenir de notre société, celui-ci doit être particulièrement étudié. Pari ici réussi même si c’est un peu court – et pas très fun, en même temps on n’est pas là pour ça.
De quoi parle Cyberpunk Reality, et comment ?
Il s’agit d’un texte, disponible en ligne, dont le félin a reçu un exemplaire papier en guise d’offrande. On m’a offert nettement pire dans ma longue et prospère carrière. Saint Epondyle est un petit jeune qui sévit sur la toile (lien au bas du billet) et s’intéresse à toutes les cultures imaginaires (SF, Fantasy…beurk) et trucs nettement plus geeks – jeux de rôles & compagnie.
Cyberpunk Reality est le fruit d’un esprit ordonné qui a eu l’idée de recenser les caractéristiques du genre littéraire du cyberpunk, tout en montrant ici et là en quoi notre société tend parfois à se diriger vers cette voie cauchemardesque. Cyber comme cybernétique (l’homme et la machine se rejoignant), punk dans l’esprit « no future ». Quatre parties, quatre thèmes, depuis la ville bordélique et sombre au mensonge (que ce soient les médias ou le virtuel), en passant par l’omniprésence de la technologie et l’exercice du pouvoir par un petit groupe de privilégiés (les multinationales en fait). Au milieu de ce bordel sans nom, un anti-héros bien implanté qui lutte, souvent en solitaire, contre (et avec) les forces irrépressibles qui l’entourent.
A l’aide d’exemples concrets et de références cinématographiques ou littéraires, Saint Epondyle trace son petit bonhomme de chemin dans ce qui ressemble à une dissertation digne d’un élève modèle. Trop peut-être, le félin a souvent eu l’impression de lire la copie d’un étudiant science-pôsard au garde-à-vous, le doigt sur la couture de son laptop. Ainsi, ne vous attendez à aucun trait d’humour ni un mot plus haut que l’autre, on reste entre gens courtois – pas le genre de la maison.
Enfin, l’auteur termine par quelques mots sur l’épineux sujet du transhumanisme auquel un certain regard (non inintéressant) est apporté. Première mise en bouche savoureuse, toutefois il appert que quelques aspects ont été (sciemment?) omis, notamment en quoi la « fabuleuse » technologie est en train de refaçonner notre circuit humain, à savoir notre cerveau qui a moins besoin de retenir par cœur et tend à exceller dans la recherche d’information et le multitâche (avec plus ou moins de succès).
Ce que Le Tigre a retenu
Le titre mérite quelques précisions. Le « Reality » semble ici utilisé avec un trait d’ironie pour souligner l’opposition à la prégnance des univers virtuels du cyberpunk. Que ce soit le maintien dans une bulle d’ignorance par les journaux ou les hommes politiques ou, plus radicalement, la plongée dans un monde faux à la Matrix, la perte de repères est totale pour le quidam qui n’effleurera que rarement la vérité du monde dans lequel il patauge. Réalité également dans le sens du réalisme le plus abouti, en l’espèce un capitalisme sauvage qui oublie toute morale pour se consacrer exclusivement sur la recherche (outre le pouvoir) d’espèces sonnantes et trébuchantes, comme si c’étaient les seules choses réelles qui vaillent la peine d’être acquises – et conservées. .
Plus important, ce titre tend à dire que la saloperie qu’est tout univers cyberpunk devient, progressivement, une réalité en ce début du XXIème siècle. Grosses multinationales surpuissantes ; villes polluées et passablement labyrinthiques ; fractures sociales (et numériques) grandissantes ; concentration du pouvoir (et du savoir utile) au sein d’une minorité ; technologies intrusives ; violence omniprésente ; dictatures entretenues par des médias aussi insipides qu’inféodés au pouvoir, etc. Oui, le genre « cyberpunk » a beau être excessif, il n’en demeure pas moins une inquiétante fenêtre vers un avenir que je ne souhaite pas à notre civilisation.
…à rapprocher de :
– La bibliographie fournie par l’auteur est assez complète, ça pourra vous occuper un moment. Ça me fait penser que je devrais un de ces quatre publier un Top des romans cyberpunks à ne pas louper.
Enfin, si ça vous intéresse, vous pouvez trouver ce court essai sur le blog de Saint Epondyle ici.
Ping : Un an et demi d'autoédition | Cosmo [†] Orbüs
Merci Tigrou pour cette belle critique ! Je suis ma foi assez d’accord avec toi. Content de voir que malgré le risque évident de te filer un truc de ma main, tu as su rester suave et délicat. L’âge, sans doute. :p
Suave? Délicat? Et pourquoi pas « gentil » pendant que tu y es. Du coup vais parler de la dédicace de suce-fion que tu m’as faite.
Ca se voit tellement que vous avez des relations textuelles…
Aucun souvenir. Je nierai.
Haha. Il me tardait de lire ta chronique sur notre ami commun. Tu dépeins un portrait assez sombre mais j’y retrouve bien ma lecture de cyberpunk.
C’est sûr que saint-ép n’est pas franchement un optimiste mais peut-on lui en vouloir ?
En tout cas on lui souhaite plein d’autres lignes, pages, livres.
Merci gros, c’est gentil ! 😀
Bonjour Tigre, ça m’a l’air plutôt intéressant tout ça, l’auteur n’aurait pas (par hasard) une page Facebook ?
Je lui proposerai bien de rejoindre les Fous, les nouveaux talents, j’ai dur d’y résister ^^.
Bonjour,
C’est par là : https://www.facebook.com/Saint.Epondyle
Merci pour votre intérêt et à très vite donc.