Le Tigre a lu énormément de San-Antonio dans sa jeunesse, et ne compte pas tous les résumer. S’il n’en fallait retenir qu’un, c’est décidément Les vacances de Bérurier. Scénario assez bien ficelé certes, mais ce sont tous les à-côtés qui font péter le score : jeux de mots délirants, vocabulaire déjanté, sur près de 350 pages ça ne s’arrête quasiment jamais. Un pur plaisir.
Il était une fois
Je vais (partiellement) reproduire le 4ème de couv’, et ce pour 2 raisons : l’histoire importe moins que le style. Et j’ai la flemme.
« San-A est appelé par son boss à une enquête au sujet d’une compagnie de bateaux de croisière : une stupéfiante série noire sévit à bord d’un de ses bâtiments le Mer d’Alors. Lors de chacune des quatre dernières croisières de ce fier navire, une personne a disparu du bord. La clique San Antonio au grand complet, Béru et Pinaud en tête, va embarquer pour tenter de tirer l’affaire au clair. Et franchement, il s’en passe de belles sur le Mer d’Alors… La croisière s’amuse, certes, mais pas seulement. »
Critique des Vacances de Bérurier
Lu vers mes 16 ans, relu dix ans après, le bonheur de parcourir ces pages est resté entier. Le lecteur prend coups sur coups avec ce titre qui fait la part belle aux délires du génial Frédéric Dard, ici écrivant sous son pseudo le plus connu, San-Antonio. Sorti en 1967, ça n’a quasiment pris aucune ride. Le scénario et le vocabulaire, excessifs, sont presque intemporels.
L’histoire est plutôt marrante, avec nos héros et leurs compagnons (la Pinuche, Béru et son énorme épouse, accompagnée du fétiche Félix, Marie-Marie, le boss,…) installés dans le Mer d’Alors (superbe paquebot) pour comprendre comment des passagers y disparaissent. Très vite à cause de Béru (la scène du diner est mémorable) les protagonistes deviennent personae non gratae (ça passe ce pluriel en latin ?) et sont enfermés dans les cales, jusqu’à ce qu’ils en sortent et se mettent au boulot.
Avec San-A, ce sont toutes les péripéties secondaires qui envoient du très lourd : Félix et son zob de taille inhumaine qui créé une lucrative entreprise d’exhibition, Béru qui devient propriétaire du navire, le PDG de la société qui est plus que de raison au désespoir, rien que le match de tennis du début est à se taper sur les cuisses. Imaginez, le roman commence par cette phrase qui annonce la couleur :
Vous connaissez tous ma devise ? Elle est la même que celle des Kennedy : « ne jamais se LAISSER ABATTRE ! »
Je pourrai en reproduire des centaines d’autres de cet acabit, hélas ce n’est pas le but de ce site. Néanmoins, dans les Sutras du Tigre, vous pourrez glaner ici et là quelques tournures de phrases empruntées au style de cet auteur. En conclusion, le meilleurs moyen de commencer San-Antonio. Si cette saga ne vous dit rien lisez au moins ce titre, condensé de ce dont est capable l’écrivain.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’excès. Ce qui marque dans Les vacances de Bérurier, ce sont les nombreuses désopilantes digressions que nous offre Dard. Jamais longues, toujours corrosives, ça se lit avec une parfaite fluidité. Parlons-en, du style de l’auteur : il peut vous balancer une phrase avec quarante verbes (dont vingt inventés) synonymes pour exprimer une idée ; faire parler un protagoniste (Béru ou le PDG) sur deux pages avec une intensité drolatique crescendo ; s’étendre sur des scènes (de cul, de repas qui se termine en mer de vomis) en usant et abusant de métaphores et autres figures de style, bref impossible dans la vie réelle de rencontrer de tels individus. « Et c’est bien dommage ! », se défend l’auteur dans une très courte préface.
L’humanisme. Derrière les culbutes et calembours de San-Antonio (héros narrateur auquel Dard s’identifie) se cache une philanthropie que je qualifierai de « tendre ». Si les personnages nous font autant rire, c’est qu’ils sont désespérément humains : les traits sont certes grossis à l’extrême, mais c’est pour mieux nous montrer les défauts (et qualités) de chacun. [Attention SPOIL] A ce titre, le fin mot de l’histoire est assez beau : il s’agirait (si Le Tigre a bonne mémoire) en fait de disparitions volontaires de la part de personnes souhaitant prendre leur distance avec la civilisation [Fin SPOIL].
…à rapprocher de :
– Sur le vocabulaire délirant, peu d’égaux du père Dard. Arnaud Le Guilcher a quelques jaillissements du même genre dans son roman En moins bien.
– La fin est assez proche que celle du film San-Antonio de 2004. Qui est un nanard pur carat au passage. Une catastrophe dont les scientifiques s’étonnent encore.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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Dard Dard!
Les San-Antonio ont peuplé ma jeunesse tout comme celle du Tigre apparemment!
Si je puis me permettre un conseil de lecture: la série des enquêtes de Voltaire par Frédéric Lenormand… notamment La baronne meurt à cinq heures!…
Coïncidence? C’est précisément cet episode (parmi la centaine déjà dévorée) de la série que j’ai lu lors de mon trip en Amazonie (d’où mon pseudo)…
Ce n’est pas mon préféré – le standinge de berurier est plus drôle – mais effectivement le plus représentatif entre les débuts plus sérieux et ceux des 70’s/ 80’s plus dans la farce et le n’importe quoi.
On peut spoiler sans remords car la trame de l’enquête est secondaire. C’est le language qui prime…
Félinement vôtre
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