VO : idem. Petit roman assez novateur et fort touchant, Precious se laisse d’autant plus vite lire que c’est tiré d’une histoire vraie. Le lecteur suivra une jeune mère (même pas majeure) pommée dans le ghetto. Réussissant à s’extirper de sa condition, le style du bouquin évoluera de pair avec la narratrice. Pas mal.
Il était une fois…
Precious a seize ans et en a marre : vivant dans le ghetto de Harlem, tabassée par sa mère, violée par son père, un enfant de ce dernier à charge (si Le Tigre se souvient bien), c’est pas la joie. Ah c’est pas tout : obèse, analphabète de surcroît, Precious est virée de son école après être une seconde fois mise enceinte. Récupérée dans une école pour ados en difficulté, sous la houlette de Miss Blue Rain, notre héroïne va apprendre à lire, mais surtout à écrire et transmettre son histoire. Tout en élevant dignement son rejeton.
Critique de Precious
Voici l’histoire d’une jeune black de Harlem (à qui rien ne sourit) qui apprend à 16 ans à écrire et lire. Et donc à surmonter pas mal de ses problèmes. Si le scénario semble plutôt « classique », c’est oublier que l’auteur, Sapphire, a plus ou moins (surtout plus) vécu ce qui est raconté. Sapphire, c’est Ramona Lofton, jeune écrivaine qui a fait un carton avec ce titre.
Du coup, ce que décrit l’auteur prend une acuité troublante, voire choquante : viols répétés de son père, daronne qui est une vraie garce avec elle, l’héroïne ne nous épargne rien et présente des faits bruts. Sans circonlocutions. Heureusement qu’il y a un semblant d’happy ending, sinon j’aurai l’impression de lire Moi, Christiane F. en version afro-américaine. A ce titre, si l’ouvrage est porteur d’un certain espoir, la rapidité avec laquelle notre amie s’en sort m’a semblé peu crédible : ni grosses remises en question ni obstacles insurmontables, un joli conte de fées.
Le gros plus de ce titre, c’est la progression du style de Precious : le début de lecture est extrêmement difficile car il s’agit de la transcription d’une écriture phonétique, qui progressivement évolue avec le niveau d’éducation de la jeune fille. Déroutant au début, surtout avec les interjections et autres insultes dont le lecteur est abreuvé. Le traducteur (ou traductrice), qui s’est bien démerdé au passage, a du sentir passer la difficulté du travail.
En conclusion, début de lecture ardu mais il convient de s’accrocher, continuer puis finir Precious. Excellent souvenir potentiellement à portée. En outre, les derniers textes écrits par les camarades de la narratrice valent définitivement le coup d’œil.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La misère afro-américaine. Violence sourde, effritement des relations parents-enfants, obésité, analphabétisme, reste plus qu’un peu de crack pour coller aux stéréotypes qu’on affublerait à cette catégorie de la population américaine. Hélas tout est vrai, et comble de l’environnement franchement hostile ce sont les ascendants de Precious qui apportent le pire. Terrifiant, ce titre n’est pas à mettre aux mains d’adolescents mineurs de 15 ans. Pas du tout une bonne idée.
L’écriture et la culture en général. La narratrice trouve un premier espoir grâce à une femme qui fera tout pour « l’éduquer ». Apprendre à lire d’abord, puis coucher ses impressions sur papier. L’écriture devient salvatrice, et on assiste presque à une résurrection du personnage. Les progrès du style sont magnifiquement rendus, en direct, dans ce roman. Une expérience quasiment unique pour le lecteur. On se rend alors mieux compte à quel point les mots peuvent être autant de munitions pour exprimer ses sentiments, et ce sans effusion de sang ni de larmes. Le vocabulaire, meilleure salle d’armes de l’homme moderne.
…à rapprocher de :
– A tout hasard, je vous signale qu’un film a été tiré de cette œuvre.
– Dans la décrépitude d’un ghetto, orienté « drugs », il y a quelques romans de Donald Goines. A lire absolument. Notamment L’accro.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne.
Coucou, c’est encore moi ! Hé, je deviens accro à ton site ou quoi ?
Ce roman qui m’a beaucoup touché (tel la fleur de lotus qui fleurit sur le bourbier le plus infâme), était auparavant intitulé Push. (c’est bizarre non qu’un bouquin change de titre à un moment donné, non ?),
A+ très cher (très chère ?)
V.
L’addiction à QLTL est irréversible. Désolé [sans « e »].
Je m’aperçois que tu as raison, le roman s’appelle Push. Sauf que ça a été traduit en français après la sortie du film (tiré du bouquin), et l’éditeur en a profité pour changer le titre. Cela ne me choque pas outre mesure, moins en tout cas que mettre comme couverture du roman l’affiche du film.
D’ailleurs j’avais sévèrement gueulé à ce sujet : http://www.quandletigrelit.fr/la-couverture-et-laffiche/
Vaut mieux l’acheter chez le libraire que chez Amazon, qui se débrouille pour ne pas payer ses impôts en France (ni nulle part, d’ailleurs). Surtout qu’en plus, c’est le même prix.
C’est exactement ce que je dis, par « librairie fermée » j’entends qu’elle a fermé. Définitivement (et pas qu’à cause de la plate forme).
Concernant le prix, à peu près la moitié des libraires que je connais ont un système « d’abonnement » gratuit et proposent la réduction de 5%. Mais pour un achat occasionnel je ne suis plus à cela près.
ps: en anticipant votre remarque (sans doute je me trompe), le lien que je fournis ne me rémunère qu’à l’achat, et cela paye juste mon hébergement. Ce sera la seule publicité que vous trouverez sur ce blog, me refusant à apposer toute réclame « visuelle » (bannières, etc.)