Sur-titre : Les Cités obscures. Dans un univers fantastique aux relents de steampunk et d’Art nouveau, des villes semblent animées d’une existence propre et font perdre à certains habitants tous leurs repères. Outre le scénario halluciné, c’est avant tout les illustrations qui font la force d’un tome visuellement exigeant qui aurait sa place dans un recueil d’architecture.
Il était une fois…
Franz Bauer, habitant talentueux de la riche ville de Xhystos, est envoyé par les dirigeants de cette dernière vers la lointaine cité de Samaris – cité dont on n’a aucune nouvelle des derniers émissaires. La mission promet de durer plusieurs mois, notamment en raison des moyens de transport pour atteindre Samaris (par les airs – un altiplan -, le rail et d’autres engins assez étonnants). Une fois dans la ville à l’architecture flamboyante, Franz sent que quelque chose n’est pas normal. Que cache donc ce foutu endroit ?
Critique des Murailles de Samaris
Voici le premier opus d’une immmmense saga dont le félin adore, de temps à autre, relire quelques passages. Rien que l’aspect visuel est une claque continue qui confine à la persistance rétinienne – l’illustrateur est d’ailleurs crédité avant le scénariste. Les personnages sont certes soignés, mais c’est avant tout le décor qui fait le succès de cette série. Car la formation architecturale de François Schuiten (son papa était un architecte renommé) transpire des planches pour le plus grand plaisir du lecteur.
Il en est notamment de Samaris, ville à l’architecture bâtarde et fascinante. Les bâtiments sont hauts et majestueux dans un style Art nouveau avec quelques éléments baroques (richesse des moulures ou couleur jaunâtre, presque écœurante). Si ces bâtisses laissent croire que les héros évoluent à la fin du XIXème siècle (voire en pleine Belle époque), la technologie a ce petit quelque chose de steampunk, mais sans vapeur ni pollution. Plutôt des objets sortis de l’esprit d’un Léonard de Vinci taillés dans une échelle plus fasciste : les protagonistes sont écrasés par ces bâtiments intimidants, lesquels, ensemble, peuvent être considérés comme un individu doué d’une volonté propre.
Concernant le scénario, le félin se concentrera sur la première histoire dans la mesure où, sur les trois histoires suivantes des Mystères de Pâhry, seule une m’a vraiment plu. Il est en outre difficile de rester au niveau des Murailles de Samaris, fiction qui démarre telle une aventure, se poursuit en enquête qui se transforme en récit kafkaïen qui en laissera plus d’un songeur – le malheureux héros ne s’appelle pas Franz pour rien. Il est délicat de vous en dire plus, surtout que Peeters, le scénariste, parvient à en dire énormément en une trentaine de pages – perte de l’être cher, perte des repères, perte de soi, etc.
En revanche, je n’ai pas été en mesure d’apprécier pleinement les autres contes. Les thèmes ont beau être proches, la narration et le vertige équivalents, néanmoins l’absence de couleurs et des cases plus verbeuses ont eu raison de ma patience – exception faite de L’étrange cas du Docteur Abraham, dizaine de pages colorées sur un homme sujet à d’horribles migraines dans un Paris fantasmagorique.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Face à un tel monstre de la bande dessinée, le félin va gentiment rester dans les clous (surtout lorsqu’il s’agit de traiter du premier tome) :
Comme je le disais, les auteurs ont eu à cœur de faire de la ville et de son architecture un personnage à part entière. Samaris est une cité sans âge qui doit apparaître dans toute sa magnificence et use d’artifices pour cela (trompe l’œil, mouvements de plateaux, etc.), à l’instar d’une vieille dame digne utilisant maquillages et effets de lumière. La ville est personnifiée, et son architecture est son bras armé : c’est particulièrement le cas de Pâhry, ville mystérieuse qui est le penchant fantastique de la capitale française et dont les immeubles naissent sans intervention humaine.
Les subterfuges et illusions des villes-héroïnes sont toujours dirigées à l’encontre des habitants (ou simples voyageurs). Soit l’être humain est au centre des machinations d’une cité uniquement orientée vers ce dernier, soit l’individu n’est qu’un « objet » soumis aux caprices d’une force qui le dépasse. Dans tous les cas, la violence exercée accompagne la victime, lentement mais sûrement, vers le chemin de la folie. Labyrinthe donnant l’impression de tourner en rond, dédales à la Kafka qui renvoient aux comportements des habitants,…tout invite à la rétrospection et à la remise en cause de ce qui constitue la réalité. Hélas, ces « voyages » sont trop déroutants pour les protagonistes qui finissent par perdre la boule.
…à rapprocher de :
– Tigre tâchera de traiter des autres opus des Cités obscures, promis.
– Il y a une autre série de bandes dessinées dont le rendu architectural est un cadeau pour la rétine, c’est Rork d’Andréas. Premier tome (en lien) et deuxième tome (ici) sur le blog, évidemment.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
Devant tous ces commentaires, je me dois d’essayer cette BD.
Je reviendrai me plaindre comme d’habitude 😉
Dans ce cas, je t’attends de patte ferme. Avec gourmandise.
Parcourue, lue et re-lue. J’avoue etre reste sur ma faim pour les deux histoires principales. La derniere m’a moins plus. Finalement c’est plus un recueil de nouvel en BD qu’autre chose. Est-ce que la suite de la serie apporte de nouveaux elements ou bien est-ce que les autres histoires sont completements detachees?
Au final, je crois avoir prefere l’histoire du fugitif qui m’a fait penser a 2001 l’odyssee de l’espace et a Interstellar avec ce personnage comme coince dans une autre realite.
Histoires détachées, dans un univers qui garde une petite cohérence (avec Schuiten, c’est relatif hein). J’ai lu les autres il y a plus de quinze ans, mon avis vaut pas grand chose pour l’instant ^^
Super ! Ça c’est de la grosse référence en BD Franco-Belge ! Schuiten et Petters, eux, c’est des cracks, des vrais, des puristes, des jusqu’au-boutistes, des esthètes de la case et de la bulle ! Les dessins sont de toutes beauté et les histoires très originales.
Vraiment ces deux auteurs sont exemplaires. Leur série « Les Citées Obscures » regorge de pépites, j’ai beaucoup apprécié « Les Murailles de Samaris » pour toutes les bonnes raisons expliquées par Le Tigre, mais mes coups de cœurs vont particulièrement à : « La Tour », et « Nogegon ».
Le premier pour la psychologie des personnages et les métaphores Babelliennes, le second pour le tour de force qu’une telle œuvre représente, et je pèse mes mots, on lorgne ici du côté des performances d’un G.Perec !
Enthousiasme contagieux, attention ! Tellement de la bonne came que j’ai failli la classer dans la catégorie des romans graphiques, c’est dire.
C’est malin ça ! Encore une série qui va prendre de la (rare) place sur mes étagères …
Fais comme moi : tu le lis rapidement, puis hop! cadeau à un proche (emballé hein).
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