VO : It’s a bird… Histoire de super-héros, et pas n’importe lequel ? Semi-autobiographie d’un auteur sur les affres d’une maladie génétique qui le fait flipper ? Un peu des deux mon général. Le mélange des genres est superbe, servi par des illustrations qui détonnent dans le monde des comics. A lire et relire.
Il était une fois…
Steve est un scénariste de comics au succès fulgurant. Tellement que son éditeur lui propose de s’occuper de Superman en personne (pour le compte de DC Comics évidemment). Hélas notre héros n’est pas très chaud pour concocter une histoire sur cet illustre personnage. Il a une sérieuse dent contre lui et quelque chose bloque. Mais quoi ? En outre, sa vie personnelle prend une tournure assez dramatique : son père disparaît sans donner de nouvelles, et derrière tout ce mystère pointe une maladie terrible qui semble bien être la malédiction de la famille.
Critique de C’est un oiseau…
Je pensais classer cette œuvre dans la catégorie des « comics ». En fait c’est bien plus que cela, et pour 250 pages d’une densité sans égal. Si Tigre a été relativement sceptique sur les premières planches, il a été très vite emporté dans le tourbillon de l’histoire.
Steve, qui créé des scénarios pour le compte de grandes maisons de comics, se voit proposer celui du Kriptonien. Sauf qu’il louvoie intensément pour s’en occuper, et les idées sur ce personnage se font plutôt rares. Il associe le « S » rouge du héros à un épisode de sa jeunesse plutôt obscur et il faudra attendre la fin pour connaître les « raisins de la colère ». Parallèlement notre Steve n’est pas à la fête : ça se passe moyen avec sa copine et son père s’est fait porter manquant.
Il y a donc deux pendants à C’est un oiseau. En premier lieu, les réflexions de Steve sur Superman (cf. infra), héros à qui il reproche de faire plus de mal que de bien. En second lieu, notre ami mène des recherches sur la Chorée de Huntington, terrible maladie génétique qui paraît s’abattre sur sa famille. Les deux univers s’imbriquent de façon naturelle malgré un fil conducteur plutôt mince et l’absence totale d’action (ou de péripéties haletantes), au moins jusqu’à la fin.
Quant au dessin, c’est à mi-chemin entre de l’aquarelle enfantine et du crayonnage presque brouillon mais terriblement porteur de sens. Ça m’a rappelé un peu Guy Delisle, toutefois en moins net et avec des couleurs. Le style est parfois changeant, notamment lorsqu’il faut représenter Clark Kent en habits de puissance. Du très bon dans l’ensemble, Panini a eu le nez fin de dégoter ce roman graphique. Le titre, mignon comme tout, renvoie autant à la frustration de ne pas trouver de scénario qu’à la scène finale (qui laisse espérer que l’héroïsme est bien de ce monde).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La réalité et le monde fictionnel. Ce que j’ai retenu de cette belle bande dessinée est que les superhéros semblent avant tout des vecteurs pour faire passer des idées. Ces dernières sont parfois triviales, voire pour l’auteur en phase de déprime notoirement négatives : Superman, c’est l’étranger qui ne s’adapte pas et par ses pouvoirs montre qu’on est rien, alors que l’héroïsme est fait de petits gestes quotidiens. Ou même l’aspect « fascisant » de sa personne, si on se réfère à certaines couleurs de son costume. Bref, l’individu « Superman » est avant tout une icône, et le confronter au monde réel en évitant les stéréotypes (l’humaniser en fait) est plus que délicat.
Tout naturellement vient le sujet du rapport de chacun entretient vis-à-vis d’un super-héros. Il appert qu’il y a autant de versions d’un héros qu’il y a d’auteurs. Il n’y a qu’à lire tous les Batman pour s’en rendre compte. Et si l’auteur traverse une mauvaise passe où imaginer un scénario lui est difficile, c’est parce qu’il est en pleine crise d’identité. [Attention SPOIL] Dans notre cas, le héros est associé à un moment douloureux de son existence : celui du décès de sa grand-mère, à cause d’une maladie génétique trop rare pour qu’un vaccin existe. Et il surprend son père regretter d’avoir deux enfants à qui il a pu transmettre ce mal. A ce moment, Steve fait semblant de lire une BD de Superman, et ce afin que les « grands » ne savent pas qu’il a bien entendu ce qui s’est dit. [Fin SPOIL]
…à rapprocher de :
– Dans le genre « Superman vu comme jamais », Tigre garde un ému souvenir de Superman Red Son, imaginé par Marc Millar. Ou alors Superman All-Star, de Morrison.
– L’héroïsme dans la vie de tous les jours, c’est aussi (de Grant Morrison encore) Joe, l’aventure intérieure.
– De Morrison toujours, on peut se rendre compte de la vision personnelle d’un héros n’a jamais été aussi complexe avec ses reprises de l’homme chauve-souris. Ça commence par le premier tome ici.
Enfin, si votre librairie à BDs est fermée, vous pouvez trouver ce titre via Amazon ici.
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