Le Tigre n’a pas beaucoup lu de Japrisot, anagramme de Jean-Baptiste Rossi, aussi il est dur d’avoir une opinion sur le personnage. Disons que c’est bon, peut-être trop exigeant sur certains aspects, mais la singularité de cette enquête policière vaut bien le coup d’œil. Sans doute que le décalage générationnel est trop prégnant.
Il était une fois…
Le quatrième de couv’ m’a paru plus que léger, c’est plutôt dommage. Voici donc le mien :
A l’arrivée d’un train-couchettes qui faisait un Marseille-Paris, une femme est retrouvée morte étranglée près de sa couchette. Les flics sont sur le coup, notamment Grazianni (dont les gens ont du mal à se souvenir du blaze) et ses collègues qui sont correctement largués. Car, pour ne rien arranger, les passagers du même compartiment sont un à un assassinés dans tout Paname. Quel est donc l’origine de ce sanglant bordel ?
Critique de Compartiment tueurs
Tout cela avait si bien démarré, je ne pensais pas pouvoir me régaler à une telle vitesse avec un vieux (enfin c’est relatif) polar bien de chez nous. C’est surtout le style qui m’a bluffé, puisque à chaque nouveau chapitre, le lecteur basculera entre une narration omnisciente et celle d’un point de vue d’un des protagonistes (ce dernier avalant souvent son bulletin de naissance).
L’histoire commence sagement (si vous me permettez l’expression), en mode « pépère gaulliste » qui prend son temps. Une nana étranglée, quoi de plus normal ? Sauf quand le mystérieux tueur est plus rapide à trouver les autres voyageurs du même compartiment que ces boulets de poulets (rime très riche), à ce moment les ennuis s’amoncèlent.
Hélas, vingt fois hélas, la résolution de l’énigme m’a laissé de froid. Dans une veine complotiste à la « inside job » mais qui part rapidement en quenouille à cause d’un élément non anticipé, j’avoue n’avoir pas compris grand chose au final. Notamment la belle Bambi et le jeune bellâtre dont on se demande ce qu’ils peuvent manigancer, disons que ça m’a semblé sur-tiré par les cheveux.
Peu de partitions dans l’œuvre (une par couchette, le tout encadré par deux chapitres), finalement j’ai bien mis trois grasses heures à terminer ce truc. Surtout les dernières pages qui m’ont obligé à faire quelques retours en arrière. J’ai beau avoir relu le début, le fin mot de l’histoire ne m’a vraiment pas paru évident.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Séb Jap’ profite de ce titre pour dresser un portrait plus vrai que nature de la France des années 60. Les méthodes policières, déjà. Mais je pense surtout aux multi points de vue offerts qui nous laissent entrevoir les pensées, donc l’état d’esprit, de différents individus d’horizons variés : le cadre moyen célibataire et loser sur les bords, la vieille fille qui se remémore ses vieilles amours (à ce titre, première fois que je lis le terme « bébé cadum » dans un roman) ; la jeune femme qui débarque de sa province avec plein de paillettes dans la tête, etc.
Grâce à ce voyage dans le cerveau des contemporains de Japrisot, ce dernier en profite pour nous présenter un aspect saisissant de la misère humaine de cette époque. Nos amis ont certes un boulot, toutefois tout est loin d’être rose dans leur vie. Le pauvre Cabourg, par exemple, à la vie sentimentale aussi sèche que le gosier du Tigre un lendemain de bal des pompiers, m’en a touché une. Et que dire de Darrès, au passé si pétillant, qui se perd en conjectures et a une dent contre les minets qui lui ont trop souvent brisé le cœur ? Leur quotidien est d’autant plus triste qu’on accompagnera ces morts en sursis jusqu’à la dernière seconde.
…à rapprocher de :
– Ce roman a eu tellement de succès que quelques années à peine après sa sortie, un film est sorti (1965). Avec la mère Signoret et Yvon Montand, s’il vous plaît.
– Du même auteur, l’enquête (pas policière) de l’héroïne d’Un long dimanche de fiançailles a l’air correct. Le film l’est, en tout cas.
– Le crime de l’Orient express est bien mieux ficelé question intrigue. Mais il y a quelques ressemblances.
– Quitte à sucer la roue du hors sujet le plus complet, ça me rappelle (de loin) un roman de Blandine Le Callet, où à chaque chapitre un nouveau narrateur livre sa vision. C’est Une pièce montée, si ça vous intéresse (ce n’est pas un polar du tout).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Un meurtre dans un train? Sans sucer autre chose que le cliche, ça me fait penser au Crime de L’Orient Express de la tendre tante Agatha.
Mes expressions font des émules, c’est joie dans mon cœur. J’ai rajouté votre indication, et m’octroie quatre coups de chat à neuf queues pour ne pas y avoir pensé plus tôt.
A ce rythme la, je vais chercher d’autres références, ça fera marrer votre chat.