VO : Beware of God. Shalom Auslander nous livre une bonne dizaine de nouvelles, dont une moitié à ne rater sous aucun prétexte. Centré autour du rapport conflictuel entre le Très Haut et l’auteur (ou ses personnages), ça se déguste avec des niveaux de lecture multiples. Le Talmud dans tous ses états. Ah oui, très drôle également.
Il était une fois…
Quatorze nouvelles, god related, mais toutes traitées différemment. Florilèges : 1/ Bloom a survécu à une mort certaine, ce qui n’entre pas dans les plans de Dieu. Ce dernier descend finir le boulot lui-même… 2/ Donut et Beignet sont deux hamsters ayant des rapports différents vis-à-vis de Joe, leur propriétaire. Aussi quand le nourriture ne vient pas, Donut prie tandis que Beignet se met à douter. 3/ Après une nuit de rêves impurs, Motty se réveille avec une poitrine velue et une furieuse envie de bricoler. Que vont penser les siens de son nouveau corps de chef de chantier goy ?
Critique d’Attention Dieu méchant
Très très bon. Un peu plus de 150 pages, une quinzaine de textes, do the maths… L’avantage, c’est que si on commence à trouver le chapitre pas terrible, celui-ci n’est pas loin d’être terminé. Le style, dense et efficace, s’adapte très bien au ton de l’auteur qui a de la suite dans les idées.
Auslander, c’est un peu le juif américain moyen qui a du être correctement traumatisé dans son enfance (cf. son autre roman, en infra) et a gardé une petite dent contre tout ce qui ressemble de prêt ou de loin à l’orthodoxie judaïque. Avec un humour décapant, ses textes enfoncent les portes de la synagogue (et par extension, de tout édifice religieux) et offrent au lecteur une place de choix pour observer le spectacle ; et ce en se mettant à la place d’un simple mortel, d’un animal, voire de Dieu en personne !
Le Tigre, grand fan de feu Coluche et donc habitué à la provocation corrosive et réjouissante, a pourtant trouvé qu’on frisait parfois le scandale. De quoi largement choquer les esprits les plus étriqués. L’holocauste est en particulier traité de manière fort cavalière, il faut oser aborder ce thème ainsi.
D’autres nouvelles sont porteuses d’idées et de pensées très enrichissantes (la nouvelle de Charlie Brown ou celle avec des Golem portent un savoir talmudique ), faisant d’Attention Dieu méchant (la majuscule est là, ouf !) une bouffée d’air humoristique tout en dérision.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le « canardage » de la religion Auto-dérision totale, ce titre donne dans la critique de certaines pratiques religieuses qui selon l’auteur semblent aberrantes : Le Tigre se souvient notamment de la nouvelle de ce type de confession judaïque qui compte scrupuleusement ses points pour accéder au paradis. Hélas ça ne se déroule pas comme il le souhaite, et face à l’injustice de sa vie dédiée notamment au Shabbat, une de ses répliques est la suivante : « Moi, je n’ai jamais vu un seul épisode de Deux flics à Miami ! ». Mignon.
Shalom A. tend enfin à faire passer un message au travers de nouvelles où le narrateur principal est Dieu (on oublie celle où c’est un poulet, drôle mais peu porteuse d’enseignements). En effet, si cette entité existe, et qu’elle nous a créé à son image, alors il y a de quoi s’inquiéter. Le Dieu méchant, simple reflet de l’Homme : aussi vicieux, bordélique, occupé à faire autre chose que le nécessaire que nous. Et à l’instar des ordinateurs ou autres objets que l’être humain a créés, Dieu doit être également exaspéré par nous (notre connerie ai-je envie de dire).
…à rapprocher de :
– Pour mieux comprendre l’auteur et certaines de ses motivations, celui-ci a écrit un superbe roman (quasiment autobiographique) sur les contraintes de la religion juive : La lamentation du prépuce.
– Le style léger, des nouvelles fantastiques sur des sujets souvent graves, mince j’ai eu souvent l’impression de lire le scénario de la suite de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander), de Woody Allen. Version religion.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Shalom Auslander – La lamentation du prépuce | Quand le tigre lit