VO : Foreskin’s Lament: A Memoir. Conseillé par son vieux libraire (de confession judaïque en plus), voici un ouvrage plus ou moins autobiographique centré sur les difficultés de l’éducation orthodoxe dans l’Amérique contemporaine. La gravité du sujet est contre balancée par une sévère dose d’auto dérision et d’humour, rendant la lecture plus qu’agréable même pour le lecteur profane.
Il était une fois…
Le lecteur va suivre les tribulations de Shalom, né près de NYC dans une famille juive orthodoxe. Élevé dans la peur du tout-puissant, Shalom a une relation particulière à la religion : rébellion à coup de nourriture non casher, scrupuleux respect des interdits, apprentissage par cœur de la classification des aliments,… Jusqu’à aujourd’hui, quand il ne sait pas quel sort réserver au prépuce de son fils. Émancipation ou respect de la tradition par terreur religieuse ?
Critique de La lamentation du prépuce
Ouvrage de très bonne facture, à acheter sans se poser de questions. Shalom Auslander a écrit quelque chose qui paraît comme une sorte « d’exutoire » par rapport à sa stricte jeunesse. Le Tigre ne sait à quel point son roman est autobiographique, en tout cas c’est trop bien décrit pour ne pas être vrai.
L’histoire et les nombreuses situations dans lesquelles se retrouve l’auteur sont à se tordre de rire parfois. Shalom, un brin névrosé à cause de son éducation religieuse, zigzague entre rébellion et asservissement par rapport à cette dernière. Avec ce que ça comporte comme franchissement d’interdits, et la culpabilité qui va avec (se faire un énorme Mc Do, se masturber à n’en plus finir devant des revues pornos,…) Tout ça sous le sceau de la prise de distance et de l’humour, éléments plus qu’appréciables.
Quant au style, un petit plaisir également : un phrasé assez proche de Palahniuk, à savoir des phrases courtes, pas mal d’insultes et une bonne dose de cynisme. Les chapitres ne dépassent pas les quinze pages, globalement on a pas le temps de trouver le temps long et ça peut se lire d’une traite même si j’ai trouvé que la fin comportait quelques longueurs (le happy end américain qui fait qu’on peut également zapper les dix dernières minutes d’un film).
Très instructif, le lecteur curieux ne doit pas laisser ce petit bijou lui passez sous le nez. Quant au titre, n’espérez pas de longs développements sur le sort du prépuce lors de la circoncision, le sujet est plus que rapidement abordé dans l’œuvre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’orthodoxie juive nord-américaine. Une grande partie du roman porte sur l’éducation du petit Shalom, avec toutes les contraintes associées. L’immersion dans le milieu hassidique est parfaite, et pour le profane assez terrifiante. Les nombreux interdits, les obligations religieuses contribuent à créer des situations inextricables, qui peuvent faire largement sourire le lecteur. On apprend énormément sur les contraintes du juif pratiquant dans le monde contemporain, et la schizophrénie de certains croyants.
Schizophrénie car ce roman, en plus d’offrir au lecteur des clés pour comprendre certains aspects du hassidisme, expose les manières de « s’arranger » pour les rendre plus aisé à suivre. Le Tigre se souvient notamment de :
Le principe des bénédictions suivant la nature des aliments, où Shalom doit éviter les pièges tendus par son professeur (bonne partie de rigolade aussi). Ou encore le respect du shabbat, qui oblige à faire 30 bornes à pied pour avoir le bon aliment. Et comment allumer la TV la veille et la laisser toute la journée pour regarder le base ball le samedi soir (je connais des individus qui, de nos jours, la programment pour un allumage auto le samedi).
L’auto-dérision dans la religion. Ce livre est très critique sur les pratiques juives et vient d’un « enfant du sérail ». L’humour omniprésent tend certes à dédramatiser les affres de son éducation, toutefois sur certains passages c’est franchement corrosif. Le Tigre salue donc la tolérance d’une religion qui parvient à créer un tel écrivain qui livre de manière aussi exhaustive certains de ses côtés négatifs. Publier contre les siens, comment Auslander a « dupé » aussi longtemps son dieu, c’est admirable. Reste à savoir comment une personne de confession judaïque juge ce type de romans.
…à rapprocher de :
– Attention Dieu méchant, autre roman d’Auslander lu par Le Tigre. Bien plus acide.
– Les oeuvres tirant à boulet rouge sont peu nombreuses, Les versets sataniques de Rushdie n’a pas eu le même genre de réaction dans le monde musulman.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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