Sous-titre : Le Dom Pérignon Code [ça commence bien]. Caricature assumée et assez fine de l’environnement champenois, hélas le reste est bon à jeter : personnages grotesques et peu crédibles, illustrations dignes d’une BD style « le guide du [insérez un sujet à la mode] », histoire qui se veut drôle et originale (mais tape à côté de la plaque), je n’ai pas trouvé ça fameux. En fait, cette enquête-BD ne laissera pas indifférent – soit on adore, soit on déteste.
Il était une fois…
Rentrée 2015. L’univers du Champagne chie dans son froc : les commandes pour Noël s’écroulent, et ce depuis la troisième année consécutive. Les grandes maisons pressentent un complot dès lors qu’un mystérieux individu semble avoir hypnotisé tout intervenant ayant un rôle prépondérant dans la filière champenoise – du syndicaliste à la délégation de l’UNESCO, en passant par le staff de la Reine d’Angleterre. Plus qu’un complot, il semble bien que c’est une malédiction lancée il y a 300 ans par un certain Anglais, Merret, inventeur du vin pétillant dont la découverte a aurait été pillée par Dom Pérignon en personne.
Critique de Champagne !
Le félin ne sait guère quoi penser de cette bande dessinée. Rien que les premières pages m’ont copieusement gavé, j’ai cru ne jamais pouvoir aller au-delà du tiers. Textes horripilants sertis d’une police d’écriture dégueulasse, et ce dessin, ô misère ! Les décors sont en carton, les couleurs fadasses, et ces pauvres personnages font tous veules, avec un œil torve (même les belles midinettes) et postillonnant à tout va. Une vraie saloperie cheap, à moins que l’abus du roteux impose de donner aux protagonistes un air niais.
Quant au scénario, bah ça part dans tous les sens. La grande partie de la bande dessinée, après une brève introduction historique, traite des déboires des grandes familles du Champagne réunies dans une organisation secrète dénommée les Seth (même Hergé n’avait pas osé) : les Arnaud (le père avec son fils un peu léger), Ricard (j’ignorais qu’ils versaient dans ce liquide), Bollinger, Vranken, Rouzaud, Taittinger et Rothschild. Tout ça pour que ces individus se traînent dans une cave soi-disant cachée depuis des lustres (alors que des bougies s’y consument déjà à leur arrivée) pour réveiller l’esprit de Pérignon qui croupissait dans un jéroboam afin que ce-dernier leur donne quelques astuces.
Au-delà de ces nombreuses tares, le lecteur aura droit à un tour du monde des problématiques du Champagne, que ce soit l’extension de l’appellation, la contrefaçon ou d’autres anecdotes qui pourront faire leur petit effet dans les galas en ville – la forme de la coupe de champagne ou les chiffres hallucinants des ventes du liquide à l’exportation. La plupart des personnages dans cette BD existent bel et bien (ou ont vécu), hélas ils ne prennent guère vie au cours de ces soixante pages qui les rendent plutôt antipathiques – Tigre se demande d’ailleurs l’étendue de la « liberté » de Benoist Simmat dans la rédaction du scénario dès lors qu’il fait intervenir des individus jouissant d’extraordinaires moyens de pression.
Pour conclure, le félin a eu le sentiment que les auteurs ont tenté, bon gré mal gré, de jongler entre la caricature engagée (cf. thèmes ci-dessous) et une certaine obédience qui veut ne froisser personne – à part le capitalisme. Le résultat est verbeux, peu intéressant à l’exception des dernières pages que j’ai trouvées relativement osées. Mais ça ne suffit pas. Aussi, dans le doute, et parce que la méchanceté féline est proverbiale, Champagne ! (rien que ce titre putassier) est hautement dispensable.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Il est régulièrement rappelé, si besoin est, l’emprise du Champagne dans la culture occidentale. Ce liquide pétillant et montant vite à la tête a su entretenir sa renommée en imposant son image festive (regardez n’importe quelle remise de prix), élitiste (ça fournit les grands de ce monde) et qualitative dans les esprits – . Cette position apparemment indétrônable (l’ennemi, dans cette BD, est quand même un fantôme) permet aux riches propriétaires de s’en mettre plein les fouilles notamment grâce à des marges gargantuesques (15 euros minimum la ‘teille) et un dialogue social consistant à arroser le représentant de la CGT locale (je balance le nom de ce syndicat au hasard, mais l’idée y est). Les conditions et effets de cet « abus de position unique » sont livrés avec le plus grand naturel (voire cynisme) par les fameux Seth qui, au passage, se désolent de voir un tel âge d’or se terminer.
Finalement, la caricature se révèle assez étonnante dès que les protagonistes acceptent le « sacrifice » de Merret. C’est même foutrement subversif. Les dernières pages montrent en effet, quelques années après, les transformations opérées. Accrochez-vous à votre écran : conversion bio totale, mais surtout mondialisation par l’ouverture de l’appellation à toutes les régions désireuses de produire du champ’. Ainsi se forme une nouvelle « banane bleue », du Sud du pays à l’Écosse, chaque région produisant son vin à bulles avec ce que cela peut apporter comme diversité gustative – et ce que semble apprécier ce bon Bernard Arnaud. Le salut passe par l’open source du Champagne, merde on touche à la SF.
…à rapprocher de :
Je n’ai rien qui ressemble (pour l’instant) à cette bouse dans ma bibliothèque.
Enfin, si votre libraire est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.