On se présente plus la mère Veil (comme le félin le lisait dans le Canard). Sa biographie dont le titre maupassantissime donne le ton : d’une jeunesse presque normale à la stature de femme d’envergure à la moralité irréprochable, en passant par une multitude de combats pour défendre un humanisme souvent mis à mal, il y a de quoi être admiratif – même si son existence laisse comme un arrière-goût d’incomplétude.
De quoi parle Une vie, et comment ?
Premier constat : Simone Veil écrit bien et simplement (à moins qu’elle ne fût aidée), et à part quelques passages en fin d’ouvrage (j’y reviendrai) la lecture présente un niveau de fluidité fort satisfaisant.
Sans vous faire un résumé de sa vie (que d’autres sites font bien mieux que moi), la jeunesse de Simone Jacob est poignante, entre le déclassement économique de sa famille et l’horreur de la déportation. Le récit de sa survie, de l’aide reçue par certains et la vision de voir ses proches disparaître (plus ou moins brusquement), demeure sobre et violent par le calme dont tout ceci est décrit. Après la guerre, Simone a presque vingt ans et va très vite : études menées de main de maître, mariage en 47, magistrature, fonctionnaire de haut rang chargée d’inspecter les prisons, puis la politique.
La politique. Nous y voici. Celle-ci occupe une large moitié de l’œuvre, et le lecteur aurait mérité d’avoir un ouvrage spécialement dédié à ce sujet tellement les sources d’enseignement sont nombreuses. Car Madame Veil était une fine observatrice de nos hommes et femmes (peu nombreuses) politiques pendant la seconde moitié du 20ème siècle, et sait les croquer parfois férocement – les diverses fourberies de Pasqua, un Chirac qui en prend légèrement pour son grade tandis que François Bayrou se voit octroyer, en quelques lignes, un monumental taquet qui le révèle à ce qu’il est apparu être en 2017 : un arriviste de première.
S’agissant des derniers chapitres, c’est hélas un poil décevants : outre quelques paragraphes dédiés à sa famille que le lecteur pourra distraitement lire, Simone donne l’impression de rabâcher (désolé du terme) ses nobles idées politiques – qui du vivre-ensemble (idées hélas de moins en moins en vogue) – tout en étant « larguée ». En effet, ses derniers combats semblent bien dérisoires par rapport à son apport à la société française dans les années 70.
Il en résulte un livre relativement court et percutant, lequel confirme, en tant que de besoin, l’esprit humaniste abouti de Simone Veil. Toutefois, celle-ci semble s’abîmer, au fur et à mesure des derniers chapitres, dans une sorte de symbole utilisé ici et là par le un monde politique soucieux de renouer avec un conservatisme parfois intransigeant.
Ce que Le Tigre a retenu
La première chose qui saute aux yeux du lecteur, outre la gentillesse atavique du personnage, est son impressionnant courage. Le comportement de la jeune Simone Jacob, pendant ses épreuves lors de l’occupation allemande, forcent le respect. Tout comme ses en tant que contrôleur des prisons de la République. Et que dire de son combat emblématique ? Une lutte, en effet, eu égard les scuds que les mâles représentants du peuple n’ont pas manqué de lui envoyer, et sa réponse mesurée – presque du pardon dans le noble sens du terme – lui a offert un statut de grande femme politique.
Néanmoins, ce statut ne semble pas avoir pu être « utilisé » à son plein potentiel. Car Simone Veil n’a pu s’élever en tant que politique de premier rang à la tête d’un parti ou d’un autre mouvement. A peine quelques passages dans des ministères sous-dimensionnés. Problème de leadership ou de volonté ? Non, juste la saine détestation des manœuvres des clampins de la politique, et de la nécessité de prodiguer des coups bas afin de s’élever dans la hiérarchie. Dès que ça se corse et qu’il faut distribuer quelques coups bas, Simone préfère prendre de la hauteur et laisser les garçons faire joujou.
Ainsi, l’existence de cette femme illustre la propension toute française à gâcher les prometteurs talents de ses illustres habitants. Cette femme a offert au pays, pendant les années 60 et 70, sa combativité et son intelligence à des fins éminemment sociétales. Mais elle a été ensuite comme effacée, n’osant pas déloger et/ou laissant des vieux de la vieille garder le pouvoir. Sous-utilisée par la politique française, c’est tout naturellement qu’elle gagnera en envergure en œuvrant activement pour l’Europe au sein du Parlement Européen.
…à rapprocher de :
En termes de biographie politique, le fauve n’a pas grand chose à vous mettre sous la dent.
– A un moment, Mme Veil parle de son engagement pour les personnes atteintes du SIDA, et notamment de son implication dans les travaux d’un certain Michel Kazatchkine, dont Le Tigre vous conseille le superbe La consultation du soir (en lien).
Si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette biographie en ligne ici (lien).