Sous-titre : une enquête de l’inspecteur Canardo. Canardo est dans tous les mauvais coups, c’est une constante. Le voici au centre d’un chantage où il est question de remettre un homme d’Etat mourant à des révolutionnaires, sinon des tonnes de pétrole se déverseront sur les plages. Personnages croqués avec humour, scénario maîtrisé de A à Z, la rigolade est totale.
Il était une fois…
Borniche Les Bains est en plein émoi. En plein milieu du mois d’aout, un pétrolier naviguant face à la plage est arraisonné par des pirates. Tout l’équipage est tué, sauf l’inénarrable Canardo qui va servir d’émissaire à l’attention des autorités françaises. Les terroristes demandent que la France mette fin au soutien médical du gouvernement d’Amerzone, à savoir le Président Colibarès soigné dans une clinique. Pourquoi Canardo a été épargné ? Que fait-il dans cette galère ?
Critique de Marée noire
Ce doit être le quatorzième tome mettant en scène Canardo, détective privé alcoolique, fumeur, jean-foutre mais terriblement efficace ; et, à titre personnel, un de ceux que je relis avec le plus de plaisir. Rien ne manque à cet opus qui mélange, non sans succès, action, et critique au vitriol de notre belle société.
La problématique, assez simple, tend à agréablement se complexifier. Les vacances pépères de l’inspecteur Garenni (le lapin) prennent une drôle de tournure quand il pêche le héros, engagé par l’assureur du navire pour vérifier que le commandant ne le saborde pas volontairement. Immédiatement une cellule de crise est mise en place et l’attention se concentre sur la destination touristique d’où opèrent les vilains d’Amerzone. Lesquels étant menés par…la belle Carmen, qu’on retrouve dans d’autres aventures.
Sokal a eu la main particulièrement lourde concernant les protagonistes qui rivalisent de caricatures : le militaire prêt à en découdre qui pense que « la négo, c’est pour les pédés », le simple flic dépassé par les évènements, les révolutionnaires qui défouraillent avec un certain entrain, le ministre de l’intérieur qui ressemble énormément à Pasqua (la décontraction qui va avec) ou un Président de la République débonnaire très chiraquien. Mention spéciale pour ces deux derniers, qui apparaissent particulièrement sympathiques. Tout comme l’impitoyable Carmen (la grue avec son porte cigarette de tasspé) qui, chose rare, aide les protagonistes à sa manière.
Comme beaucoup de BD qui ne dépassent pas les 50 pages, le dénouement est assez rapidement expédié, et la manière dont tout le monde trouve son compte est aussi amusante qu’irréaliste. Sauf qu’une seule personne en sort grandie. Canardo, comme toujours, a sauvé le monde. Qui, le temps des vacances, était pour le Français moyen la playa de Borniche Les Bains. Gloire à lui.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’auteur amène le lecteur au sein de la crise estivale et comment celle-ci est gérée par les différents protagonistes. Dialogues entre le Président et son ministre savoureux à souhait, terroristes qui préparent l’enlèvement de Colibarès (en phase terminale), les militaires préparant l’assaut depuis leur QG de campagne improvisé près de la buvette (ce qui arrange Canardo), tout est plus vrai que nature. Mais ce n’est rien face aux interventions des médias (TV notamment) qui filtrent et délivrent à la populace quelque chose de sensationnel et désespérément calibré.
Il ressort surtout de ce tome un cynisme qui atteint un niveau stratosphérique à se pisser dessus. Les hommes politiques font montre d’un réalisme et d’une bonhommie assez compréhensible, et voir leur mine consternée face aux déclarations tonitruantes du chef du GIGN local a provoqué chez votre serviteur quelques ricanements. Réalisme des pétroliers également qui décident de dégazer autour du navire occupé avec cette maxime pleine de bon sens : « quand les gros chient, on n’entend pas les petits péter ». Et il y a pire.
En effet, la dernière case résume parfaitement la dépravation morale habitant nos contemporains, avec l’illustration de « l’idéal » tel que promu par les joyeux drilles de l’Amerzone. A l’annonce du décès du dictateur Colibarès, des scènes de liesse ont lieu partout en Amerzonie. Manifestations réprimées par le pouvoir en place. Le principe d’une révolution : un tournant à 360°. Retour à la même situation.
…à rapprocher de :
– Noces de brume, même héros, ouvrage plus sombre à lire si vous êtes habitué au protagoniste. La suite, L’Amerzone, est un classique. Puis La Cadillac blanche (pas mal du tout). Tigre mettra d’autres Canardo sur le blog, ça me botte bien. Patience.
– Zaï zaï zaï zaï, de Fabcaro, tape également sur la danse ridicule du politique et du journaliste, sur fond d’un fait divers innocent – l’humour what the fuck en plus.
– La révolution qui ne change rien n’est pas sans rappeler le jeu de chaises tournantes auquel s’adonne les généraux Alcazar et Tapioca dans les albums de Tintin.
Ping : Fabcaro – Zaï zaï zaï zaï | Quand Le Tigre Lit
Ping : Sokal – La Cadillac blanche | Quand Le Tigre Lit
Ping : Sokal – L’Amerzone | Quand Le Tigre Lit
Ping : Sokal – Noces de brume | Quand Le Tigre Lit
Ping : Ken Bruen – Delirium Tremens | Quand Le Tigre Lit
Je n’ai encore jamais lu de Canardo malheureusement mais ta critique donne vraiment envie.
Par contre de Sokal, j’ai lu avec tres grand plaisir Paradise.
Et chose assez etrange, j’ai decouvert Sokal en premier lieu grace a son premier jeu video: L’Amerzone! Tres joli jeu, des graphiques superbes… pour l’epoque.