Dans un village insulaire, un être issu de temps immémoriaux prend en otage la populace pour lui faire faire l’impensable. La peur n’est pas vraiment présente car ce roman est loin d’être comme les autres : celui-ci se présente sous la forme d’un script pour un feuilleton télévisuel. C’est une expérience littéraire bien différente où le lecteur, qui n’est pas spectateur, pourrait être déçu.
Il était une fois…
L’île de Little Tall se prépare à vivre ce que les présentateurs météo appellent sobrement la tempête du siècle (tadaaa) qui s’abattra sur une grande partie du Maine. C’est parce que cette communauté de 400 âmes (200 pour cette tempête, la moitié ayant préféré aller sur le continent) est coupée du monde qu’un individu peu recommandable décide de foutre le bordel avant de réclamer une chose terrible. Les habitants, d’habitude soudés, accepteront-ils cet ignoble marché ?
Critique de La tempête du siècle
Attention, il ne s’agit pas d’un roman. En effet, comme il l’indique en avant-propos, Stephen King a directement proposé à une chaîne de TV américaine un scénario de feuilleton d’horreur/suspense, proposition directement acceptée par les intéressés. Ainsi, la lecture du script, par Le Tigre, fut directement « polluée » par les souvenirs de la saga télévisuelle – tous sont tombés dessus lors d’un moment de grande solitude devant sa télévision.
Au niveau du style, inutile de vous dire que ça n’a rien à voir avec un récit classique. King, à qui rien n’échappe, a pensé à tous les détails pour faire de La Tempête du Siècle un divertissement flippant mais grand public (la censure n’ayant pas encore tranché dans le « roman » publié). Trois parties pour autant d’épisodes d’une heure trente, chaque partie étant découpée en sept actes équilibrés – et oui : faut penser aux coupures pub. Grâce à cette mise en scène digne d’un film hollywoodien, deux remarques : d’une part, les descriptions lancinantes et immersives de l’auteur américain sont remplacées par des indications plus lapidaires à destination du réalisateur, ce qui rend le tout moins prenant. D’autre part, aération générale du texte aidant, il est réellement possible de lire ces 450 pages en moins de trois heures – j’y suis parvenu, en sautant des éléments d’ambiance inutiles.
A tout hasard, vous voulez savoir de quoi il est question dans le livre ? Bah c’est simple : le vilain débarque (Linoge de son petit nom, anagramme de « légion » – référence biblique ultime) ; il tue une petite vieille de façon sanglante ; se fait docilement conduire à la prison locale par Mike Anderson, le héros ; le monstre (plus de doute à ce sujet) y montre l’étendue de ses talents avant de donner rendez-vous à la communauté pour leur expliquer la raison de sa venue.
Hélas, ces péripéties occupent plus de trois quarts de l’ouvrage, soit deux parties et quelques actes de la dernière partie. Et le félin s’est plus ou moins ennuyé, il n’y a que deux choses qui m’ont vraiment intéressé : les premiers décès (suicides et meurtres téléguidés par le magicien) qui agissent comme autant de coups de tonnerre dans la tempête ; et l’antagoniste principal qui sort d’hilarants dossiers sur un habitant lorsqu’il est en sa présence – qui d’un avortement, qui d’une coucherie, qui d’un trafic de drogue, etc.
En conclusion, les scénarios de films ou de séries ne sont faits que pour être lus par des professionnels, et non par un lecteur, aussi aguerri ou fan de King qu’il est. En particulier, l’introduction des protagonistes (une bonne douzaine), assez sommaire, n’est pas aussi efficace que dans les œuvres « habituelles » de l’écrivain.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le premier sujet concerne le pourquoi de la venue de Linoge à Little Tall. Il s’agit d’une petite communauté capable de se serrer les coudes et faire front face à un danger nouveau. Il n’y a qu’à voir comment la femme du constable, Molly Anderson, suggère discrètement à son époux de faire disparaît l’inopportun. Plus important, le vieux démon sait que ce qu’il demandera (et obtiendra) aux habitants restera entre eux, personne n’osera en parler en dehors de l’île. En mettant à jour les petites dégeulasseries de chacun, le magicien noir n’a pas seulement fissuré la confiance des uns et des autres, il a également semé la mésentente afin que ses désirs (donnez-moi ce que je veux et je m’en irai) apparaisse comme la solution de facilité.
Pour une fois, les (presque) tendres souvenirs de jeunesse ne font pas partie de l’histoire, et sont ici remplacés par la parentalité sous toutes ses formes. Déjà, il y a les gosses et la manière dont ils sont éduqués (et traités) par leurs parents. Entre le mignon Ralphie Anderson et l’insupportable Don Beals (fils du maire, qui n’est pas moins odieux), il y a la peur de parents face à un être qui, progressivement, dévoile son intérêt pour la marmaille. Car, et c’est là que Linoge est presque sympathique, le magicien aux milliers d’années d’existence a besoin d’un héritier à qui enseigner ses sombres tours. Toutefois, il ne peut qu’avoir un enfant que les adultes lui donneront de leur plein gré. D’où la mise en scène.
…à rapprocher de :
– De Stephen King, Le Tigre a lu énormément. Voici quelques titres en vrac : La Tour sombre (l’incontournable) la Trilogie Ça (la référence) ; Les Tommyknockers (un peu trop long), Carry, Dreamcatcher (le thème de la jeunesse est aussi prégnant), Cujo (pas mal, mais peu flippant), etc.
– Au milieu du bouquin, Linoge s’adresse aux habitants par l’intermédiaire d’un rêve commun, sorte de vision d’avenir au cas où Little Tall refusait de donner ce qu’il souhaite. Cela m’a grandement rappelé le rêve présenté par les E.T. à l’Humanité dans Le vaisseau des voyageurs, de Robert Charles Wilson.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce scénario en ligne ici.
Ping : Stephen King – Cujo | Quand Le Tigre Lit
Ping : Russel Banks – De beaux lendemains | Quand Le Tigre Lit
LA TEMPETE DU SIECLE est en effet non pas un livre de Stephen King dans le sens traditionnel, mais un scénario. D’ailleurs le livre fut publié très rapidement, en véritable surprise alors que très peu de personnes n’étaient au courant (rien n’avait été annoncé publiquement)!
Il est vrai que le probleme en lisant après avoir vu le « film » est que la lecture est « gâchée » parce qu’on a en tete les personnes et images du film (contrairement à créer soit meme nos images), mais la lecture n’en demeure pas moins agréable, meme si l’on est pas habitué à lire des scénarios !
J’ai eu un peu de mal à cause de l’impatience : mon cerveau n’avait retenu que les scènes finales, et je pensais que les exactions de Linoge étaient plus « sanglantes ».
Quoiqu’il en soit, c’est surtout un plaisir de voir un auteur être aussi à l’aise dans la rédaction de scénarios – concernant King, je me concentre sur ce qui me gêne, le reste étant naturellement fluide.
Merci pour l’intervention du Club de SK !
Ping : Stephen King – Les Tommyknockers | Quand Le Tigre Lit
Ping : Stephen King – Ça | Quand Le Tigre Lit
Ping : Stephen King – La Tour sombre | Quand Le Tigre Lit