VO : idem. Pas mal du tout, dans le genre polar trash avec une touche de vampirisme bien dégueulasse. Dessin onirique où la lumière du jour brille par son absence, histoire complexe avec de solides passages à se taper sur les cuisses, le tout a ravi Le Tigre. La mention « pour lecteurs avertis » n’est pas là pour seulement joli.
Il était une fois…
Johnny « Choker » Jackson (d’où le titre, pas bien compliqué) n’est vraiment pas à la fête. Cela fait déjà trois piges qu’il a été dégagé de la police de Shotgun City et depuis, il opère comme détective privé (avec un assistant puceau) de bas étage. Il faut bien payer ses dettes de jeu, mais filer les maris infidèles lui plombe chaque jour un peu plus le moral. Alcoolique notoire et affecté d’une malformation à la main droite (celle-ci ne lui obéit plus), Choker se voit pourtant confier une mission qu’il ne peut refuser : s’il retrouve Hunt Cassidy, criminel qu’il a autrefois arrêté, il récupère son badge.
Critique de Choker
J’ai bien voulu me procurer Choker après la déception de 30 jours de nuit (que j’ai acheté directement en anglais en plus). Laisser une autre chance à l’illustrateur qui m’avait agréablement marqué, c’est important. Et dans le présent roman graphique, le dessin de Ben Templesmith a trouvé un très correct écho au scénario de Ben McCool.
Le monde offert par l’auteur est incroyablement inquiétant : un ville sans foi ni loi où la police a le monopole de la « brutalité », des drogues immondes qui circulent et rendent les gens anthropophages (avec une dentition de requin, joli dessin qui a fait frissonner Le Tigre), de nombreux freaks (homme à trois têtes) qui circulent tranquillement. Et un héros qui fait parti de ce cirque avec sa main gauche qui, lorsque non anesthésiée, essaie de s’emparer d’un arme pour le tuer.
Sur l’histoire, le début m’avait paru simpliste, sauf que McCool aime bien complexifier les choses. La recherche du dealer / meurtrier Cassidy prend vite une tournure « la proie devient le chasseur », en rajoutant quelques flashbacks de Choker et les intrigues policières sous-jacentes j’ai été eu plus d’une fois l’impression d’être perdu. Car certains personnages, en plus de se ressembler, ont des motivations qui m’ont parfois échappé. Heureusement que la narration est parsemée de situations souvent drôles, quant aux dialogues ça relève autant du cynisme que du vocabulaire fleuri. A ne pas mettre dans les mains de mineurs de 15 ans donc.
Sur le dessin, le lecteur habitué à Ben Templesmith ne sera pas déçu. De belles planches en général, avec quelques portraits assurément réussis. Du sang, il y a de quoi remplir les réserves de l’EFS pendant des mois. Me concernant, comme c’est un style particulier avec le texte écrit fort petit, ce n’est pas très acceuillant niveau confort de lecture. Et puis on s’y fait, grâce à la retouche numérique (Tigre aime le dessin assisté par ordinateur) qui offre quelque chose de net et sans bavures. En conclusion, joli coup de Delcourt d’avoir publié cette BD qui n’a pas laissé indifférent.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Shotgun City, la ville du désespoir. Pas une seule planche montre la lumière du soleil, imaginez l’ambiance made by Templesmith. Shotgun, ça rappelle furieusement la sombre Sin City peuplée d’individus qu’on ne saurait recommander. Ici, quelques vampires, des flics marrons sinon profondément brutaux (la paire de couilles accrochée au rétroviseur de la voiture d’une policière reste éloquente), un maire qui meurt d’une crise cardiaque en se tapant une femme déguisée en cochon (avec une photo de son opposant politique),… Bref, comme le dit le narrateur à juste titre, c’est la « ville où viennent mourir les anges ». La part négative de L.A. en quelque sorte.
La police « ultra ». Au fil des pages on apprend pourquoi notre héros a été dégagé de la police, et c’est plutôt moche. En vue de créer une race de superflics, l’institution a mis en œuvre des manipulations génétiques dont Choker a fait les frais (il est incompatible). Force décuplée, intelligence améliorée, le conséquence naturelle semble être des méchants dotée d’une puissance équivalente. [Attention léger SPOIL] Le programme Homme Plus, comme on l’appelle, se révèle finalement être une superbe saloperie intimement liée aux problèmes de drogues (des vampires volants, rien de moins) qui ravagent la ville. [Fin SPOIL].
…à rapprocher de :
– De Templesmith, 30 jours de nuit est moins bon, mais avec plus de vampires je me demande si Choker ne serait pas une sorte de prequel.
– Bienvenue à Hoxford (Templesmith encore), m’a hélas déçu.
– En anticipation sociale, un monde parsemé de vampires suite à une catastrophe médicale, il y a l’excellent Peste, de Chuck Palahniuk. A lire sans tarder.
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