Premier roman de Jonquet, et la patte de l’auteur se déjà sentir. Une histoire forcément glauque sur les bords, un rebondissement final évidemment ahurissant, une lecture qui prendra moins d’une paire d’heures, bref du dérangeant à souhait. Bienvenue dans une institution d’handicapés où une jeune femme va admirablement se venger.
Il était une fois…
Pour un ouvrage de cette qualité, reconnaissons que le quatrième de couv’ est plutôt correct et mérite d’être recopié in extenso :
« Qui ? Pourquoi ? Comment ? Telles sont les trois questions que se pose le commissaire Gabelou face à ses trois cadavres. Car il y a forcément un lien entre les corps carbonisés retrouvés dans l’appentis du jardinier de l’hôpital. Mais Gabelou nage dans le brouillard. Qui a tué le docteur Morier, responsable du service des infirmes moteurs et cérébraux ? Cynthia, la jeune handicapée en fauteuil électrique ? Et le père de Cynthia ? Et si l’un des trois avait tué les autres et s’était suicidé ensuite ? Mais lequel ?… Ce n’est pas Cynthia qui parlera. C’est bien dommage car, si Gabelou pouvait entendre sa confession, il verrait qu’il ne faut pas se fier aux apparences… »
Critique de Mémoire en cage
Pour un bouquin écrit en 1982 (Tigre n’était même pas dans les c*** à papa), il faut rendre à César ce qui est à Julius : c’est très très bon, faire aussi bien en moins de 200 pages reste fort rare. Le style, l’intrigue et la parfaite construction du récit rendent ce livre presque incontournable pour tout amateur de polar noir (mais le père Jonquet à fait tellement mieux après).
L’histoire n’est pas si originale de prime abord, mais les développements rendent compte de la sombre imagination de l’auteur : Cynthia Sartan, à la suite d’une opération qui a foiré dans de très confortables largeurs, se retrouve dans un fauteuil roulant dans un pensionnaire plutôt oldschool. Elle est l’objet de choses sexuelles (explicitement contées, attention c’est dur) de la part d’un des infirmiers. Mais la jeune femme n’est pas tout à fait la débile que les autres croient, et sait bien la nature des terribles sévices qui lui tombent dessus régulièrement.
Jonquet créé un roman qui revisite par ordre antéchronologique ce qui a bien pu se passer après un terrible meurtre. Nous y découvrirons les grosses cachotteries de chacun, et ce jusqu’à un dénouement qui, bien que semblant juste, n’en laisse pas moins un goût amer. Au final, encore un exemple de ce que le monde des noirs polars à la française peut produire, presque une référence eu égard le vénérable âge de l’ouvrage.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le handicap. La mémoire dans une cage, c’est un peu l’impression qu’a l’héroïne après son traitement royalement raté. Encore plus difficile à accepter, quand un comportement normal de la part d’un médecin aurait pu lui éviter un tel sort. Et Thierry J. appuie là où ça fait mal en montrant l’état d’impuissance insupportable de la part de Cynthia. Le handicap réduisant au silence, mais derrière cela il y a l’espoir, la volonté de s’en sortir et faire des étincelles là où aucune lueur ne semblait permise.
La vengeance. Attention, on touche presque au spoil, même si la quatrième de couv’ annonce plus ou moins la couleur. La Cynthia fait plus que bien cacher son petit jeu. Par exemple, ses séances autour de l’arbre dans le jardin de l’institution ne révèlent être d’une utilité déconcertante. Et ce qui se trame contre ses bourreaux est quasiment diabolique, du moins à la mesure des saloperies qu’on lui a faite.
…à rapprocher de :
– Dans le même genre par le même auteur (court et glauque), il y a Les orpailleurs et Mygale.
– Sinon, de Jonquet, Tigre a lu énormément : La vie de ma mère ! (génial), Comedia (moyen), Mon vieux, Moloch, Le Manoir des immortelles, Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
– Les abus subis par l’héroïne sont relativement similaires à ceux infligés à Uma T. dans Kill Bill (Volume 1).
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