S’il ne fallait en lire qu’un de Jonquet, il n’est pas impossible que ce soit Mygale. Roman certes court, mais quelle densité, quelle claque d’horreur et de barbarie ! Une terrible aventure racontée par trois protagonistes, trois histoires indépendantes qui finalement se rejoignent dans la pire des perversités, un vrai plaisir.
Il était une fois…
Dans une chouette maison au sein d’une très bourgeoise ville des Yvelines vit un curieux couple. Richard, médecin réputé, et sa femme Eve. Cette dernière semble assez mystérieuse, et derrière les apparences d’un couple normal quelques questions se posent : pourquoi le médecin drogue-t-il régulièrement sa femme ? Pourquoi l’enfermer quand il n’est pas à la maison ? Pourquoi la frapper lorsqu’elle joue un morceau particulier au piano ? Quelles sont les raisons aux abjects agissements du docteur qui trouve chaque jour un moyen de l’humilier un peu plus ?
Critique de Mygale
Barbarie, perversité, horreur, cauchemar, vous avez remarqué que les mots qui viennent à la gueule du Tigre font dans l’excès. Seulement il faut concéder que le père Jonquet a fait fort avec ce roman qui a fait grand bruit lors de sa parution en 1984 (année de naissance du Tigre j’ai bien peur).
Le scénario est infiniment sombre et fait la part belle au mystère, avec une révélation finale (qu’à l’époque je n’avais su prédire qu’au dernier moment presque) qui en choquera plus d’un. Un peu comme un Fight club de Palahniuk, c’est le genre de roman qu’on prend à malin plaisir à relire lorsque connaissant le fin mot de l’histoire. Pour ma part, je fus assez secoué par cette œuvre qui ne devrait pas être mise dans les mains d’un mineur de 15 ans.
En outre, l’auteur a su enrober la présentation des protagonistes et les péripéties d’un voile noir et passablement dérangeant. Comment expliquer les sombres agissements du monsieur qui paraît bien sous tout rapport, comment en arriver à un tel degré d’abjection et de dégradation d’un point de vue éthique ? Thierry J. est allé creuser dans les plus sombres replis de l’âme humaine, tout en donnant des raisons plutôt convaincantes aux actes des protagonistes.
Sur le style, pour une fois l’écrivain ne s’est point épanché à dresser un tableau social ou à se perdre dans de belles descriptions. Du brut, des faits, les chapitres courts, trois types narratifs (dont un à la deuxième personne du singulier, ce qui n’est pas sans être intéressant) pour quelque chose qui n’est pas loin de ressembler à une nouvelle. 150 pages en effet, ça se lit aussi vite qu’un train fou sans conducteur qui, à l’issue des dernières pages, se révèle être piloté par un maître du glauque.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Prendre à bras le corps quelques thèmes concernant ce roman est un appel à peine déguisé au spoil. Aussi Le Tigre vous prévient que le second (donc dernier) en est un de belle facture. Sinon, je me félicite, encore un fois, de posséder l’édition poche « classique », et non la dégueulasserie qui a été publiée après qu’un célèbre cinéaste espagouin a décidé d’en faire un film. Banderas en couverture du roman, voilà à quoi le lecteur acheteur aura le droit désormais. Honteux, n’est-ce pas ? J’en parle dans un autre billet, si cela vous intéresse.
Ce roman fait appel à beaucoup de ficelles de la psyché humaine, à ce titre la vengeance longue (pour ne pas dire continue) me semble centrale. La vie d’Eve (la première femme, nom particulièrement bien choisi) n’est qu’expiation d’une terrible faute commise il y a longtemps. Cela commence par un profond changement de son corps qui sera ensuite traité tel un objet. Parallèlement, l’homme déploie des trésors de monstruosités psychologiques (et physiologiques, comme la drogue) pour avoir Eve sous sa coupe. Presque naturellement, cette dernière développera un syndrome de Stockholm avec comme point d’orgue les dernières pages du récit. Quant au morceau de musique tant honni, c’est tout simplement la BO d’un drame vécu par un des protagonistes.
…à rapprocher de :
– Ce qui m’a poussé à (enfin) résumer ce titre, c’est le film d’Almodovar qui reprend cette histoire. La piel que habito m’a semblé un poil plus complexe, ou alors mes souvenirs ne sont plus ce qu’ils étaient.
– De Jonquet, Le Tigre s’est bien amusé avec Mon vieux, Les Orpailleurs, Mémoire en cage ou Moloch.
– Dans le même registre, le rire et le road movie en plus, il y a l’inquiétant Monstres invisibles de Chuck P. Passage obligé. Et oui.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (la couverture est immonde au passage).
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