Sous-titre : ou Comment kidnapper un mari quand on n’a rien pour plaire. VO : The Gropes [en toute simplicité]. Dernier roman du grand Sharpe, il est question ici d’une famille aux discutables mœurs ancestrales et de situations plus cocasses les unes que les autres. Du moins sur le papier, car l’écrivain vieillissant n’avait plus la verve d’antan, et on s’emmerde sec. Infiniment dommage.
Il était une fois…
Après les attentats du 11 septembre 2001 (la menace d’Al-Qaïda est vive dans l’esprit des protagonistes), il existe dans le Northumberland (trou du cul de l’Angleterre) la famille Gropes dont les filles mènent de main de maître la maisonnée – soyons clair : elles séquestrent leurs époux. Parallèlement, la clique des Burnes (qui habite peu loin de là) n’est pas à la fête depuis qu’Horace pète un câble par rapport à son fils Esmond, qui lui ressemblerait trop. Ce pauvre adolescent va se retrouver au centre des désirs des Gropes.
Critique du gang des mégères inapprivoisées
Deux choses m’ont sérieusement alerté en lisant cet ouvrage. Déjà, grossière erreur, les premières publications de ce titre faisaient état d’une impressionnante faute d’orthographe : il était question du gang des mégères inaprivoisées…voui, avec un seul « p ». Ensuite, le quatrième de couverture est un ânerie écrite par un stagiaire qui n’a pas vraiment saisi de quoi il était question.
En effet, ce roman semble se décomposer en trois parties. Il est d’abord rapidement question de l’Histoire des Vikings, notamment un Nordique un peu fiotte qui a déserté à Grope Hall et a donné naissance à une lignée d’individus (des femmes exclusivement) aussi repoussantes que violentes. Celles-ci, pendant des générations, tentent de se reproduire tant bien que mal. Ensuite, et à notre époque, le lecteur sera introduit auprès de la famille Burnes, avec les parents Vera (abreuvée aux romans à l’eau de rose) et Horace (un peu coincé, mais ça s’arrangera) qui ont mis au monde le petit Esmond, individu qui n’a pas grand chose pour lui.
Ce n’est pas avant 60% de l’œuvre qu’on comprend comment les choses vont s’enchevêtrer. C’est la dernière partie. Il appert que la tante du jeune héros, Belinda Ponson, est une Grope. Et son petit neveu, fort mignon au demeurant, pourrait relancer la machine à procréer de son infâme famille. Pendant ce temps, Horace Burnes décide de se barrer de la maisonnée tandis que le mari de Belinda est plongé, à la suite d’un malentendu tout sharpien, dans une mouise pas possible et se retrouve en garde à vue prolongée. Vous suivez ? Moi non plus.
Plus d’une fois je me suis dit que, eu égard le nombre de pages qu’il reste, jamais le bon Sharpe ne parviendra à correctement terminer son roman. Ce fut le cas avec un dénouement aussi insignifiant que bâclé. Même si Le Tigre s’y attendait, il fut étonnant de constater pareil naufrage.
Je fus infiniment déçu : en principe, l’auteur anglais a un humour tout british, entre quiproquos savamment développés et situations franchement marrantes faites d’incompréhension totale. Néanmoins, et malgré des chapitres extrêmement courts (plus de 40 pour 220 pages), c’est volontiers poussif et peu amusant. Non seulement des passages perdront le lecteur peu attentif, mais certaines scènes sont tellement attendues (l’excursion d’Horace notamment) que j’ai zappé quelques paragraphes. A éviter donc, Sharpe fut meilleur avant les années 2000.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’idée originale est franchement bonne et repose sur un principe assez basique : imaginez une famille qui vit en vase clos, protégeant sa richesse et capturant ici et là quelques mâles paumés pour assurer la descendance. Les femmes, moches au possible, sont agréablement castratrices et mettent tout en œuvre pour avoir des filles, et ainsi reproduire un schéma matriarcal efficace et intransigeant. Inversement des valeurs telles qu’on les connaît en Occident, c’est assez rafraîchissant. Sauf que cet aspect occupe une place somme toute minime dans l’ouvrage.
Chose courante avec Tom S., la bêtise et les bassesses de l’être humain sont mises en avant afin de produire toute une série de péripéties supposément fandardes. Je pense notamment au mari de Belinda, « entrepreneur » garagiste qui ne fait que revendre des voitures de seconde main (entendez : volées) en plus de frauder massivement le fisc. Quant aux policiers, ces derniers sont toujours, sous la plume de l’écrivain, décrits comme une bande de branquignoles aussi demeurés que dangereux. Peu respectueux des procédures déontologiques de la police, les flics se révèlent encore plus destructeurs que des terroristes islamistes. Encore une inversion des valeurs…
…à rapprocher de :
– De Sharpe, Tigre a lu beaucoup, à l’instar de Mêlée ouverte au Zoulouland (exceptionnel) ou Le bâtard récalcitrant (sans plus).
– C’est terrible, mais le sujet rappelle le dernier Wilt (cinquième il me semble), dont le titre est Comment enseigner l’histoire à un ado dégénéré en repoussant les assauts d’une nymphomane alcoolique. Sharpe devait être hélas à court d’idées.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Suivant de manière sournoise et cachée ce blog depuis quelques temps, j’écris mon premier commentaire pour :
– Féliciter le tigre !
– signaler qu’il me semble que Tom Sharpe n’est pas seulement vieillissant mais également mort.
Je voulais ici lui rendre hommage et le remercier notamment pour sa « mêlée ouverte au Zoulouland » qui effectivement est exceptionnelle.
Je n’ai pas lu les derniers romans et m’en suis tenu aux 3 premiers wilt, truculents et totalement barrés.
Merci Pikleq, telle sournoiserie est pardonnée. Concernant l’état de Sharpe, j’avais appris en effet son décès. Je reconnais que l’intro du billet laisse place à la confusion, je modifie « […] vieillissant n’a plus la verve d’antan » en mettant à l’imparfait.
Faudrait que je me fasse un « Wilthon » à l’occasion, mais je procrastine trop.
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