VO : I Am Charlotte Simmons. Imaginez Zola, rompant avec son style surdescriptif et chiant, qui revient au XXIème siècle et s’installe parmi les riches étudiants dans une université cotée. Simmons n’est pas vraiment de ce monde, et le chemin vers la cool attitude est parsemé d’embûches. Wolfe est un peu old school pour Le Tigre, son pavé fait peur mais il parvient à créer un environnement complet et prenant.
Il était une fois…
Charlotte est douée, très douée même. De sa modeste école, Sparte (si ça vous parle niveau rigueur), perdue au fin fond de la Caroline du Nord, elle a la chance d’être admise à la prestigieuse université Dupont (qui fait jeu égal avec Yale et Harvard). Mais l’intelligence n’est pas vraiment ce qui importe dans ce type d’établissement, et la très provinciale miss Simmons n’est pas au bout de ses surprises.
Critique de Moi, Charlotte Simmons
C’est non sans une fierté (mal placée sans doute) que je suis venu à bout de ce millier de page. Car Le Tigre, sur plus d’un chapitre, a calculé intérieurement à quel quantième (1/3, 3/5, 7/8, etc.) il en était. Ce n’est pas bien, toutefois rapidement j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour de ce roman. C’est le genre qu’on peut lâcher avant la fin sans dommages apparents.
Pour faire simple, Tom Wolfe s’attache à nous décrire la première année d’université de la très naïve Charlotte S., qui possède un savoir brut satisfaisant mais à l’intelligence émotionnelle en construction. L’héroïne, qui partage une chambre avec une fille délurée et peu farouche, verra vite que n’être ni conne ni moche est loin d’être un critère de réussite dans l’institution universitaire américaine – hein, en France aussi ?.
Et il faut avouer que pour son vénérable âge (il est né au début des années 30), l’auteur s’en tire pas mal du tout. A l’instar du Bucher des vanités, Wolfe n’y est pas allé une plume dans le cul comme un vulgaire touriste. On sent le mec qui a longuement étudié son sujet, le lecteur sera rapidement immergé dans l’environnement de la protagoniste principale.
Toutefois, pour justifier la note négative attribuée à ce lourd bouquin, Le Tigre invoquera, outre la taille (on aurait aimé avoir le choix entre ça et une version écourtée), le style : je suis partagé entre estimer que 1/ l’écrivain américain fait preuve d’un cynisme et de détachement amusé dans ses descriptions, auquel cas c’est génial. 2/ Il a tenté de s’approprier le vocable des jeunes en plus de leurs vices (les descriptions des soirées ou scènes de cul sont d’un ridicule sans nom), et c’est fort vain (pour ne pas dire risible). Quoiqu’il en soit, un succès plutôt mérité.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La « déniaiserie » en puissance. Charlotte va devoir prendre des cours accélérés (malgré elle) dans le domaine de la vie universitaire. Déniaisement physique d’abord, avec le vilain Hoyt qui la déflorera aussi vite qu’il se rhabillera (et racontera à ses amis le tapis d’une Charlotte non épilée). Découverte de la vie du campus, avec ses langues de pute et autres vilénies estudiantines qui vont, au début, s’abattre sur sa jeune échine. Cet univers impitoyable, souvent bête et méchant est bien rendu par Tom W. à un tel point que Le Tigre s’est remémoré ses glorieuses années en école de commerce…
En fait, ce n’est pas tout à fait roman d’apprentissage comme tend à l’expliquer la couv’, mais plutôt « d’adaptation ». Et l’intelligence remporte au final la mise, car ici tout se termine désespérément bien : la petite Simmons est presque la rising star de Dupont, son petit ami Jojo a pris du plomb dans le cerveau et excelle au basket, les autres s’en tirent plus qu’honorablement, bref c’est fête.
La façon dont Wolfe a décrit système universitaire américain est, sans surprise, incisive : les richards assurés d’entrer dans l’université ; les gars limités mais sportivement très précieux pour tout établissement (Jojo qui veut se mettre à la philo est hilarant) ; le gus qui n’en fout pas une et peut potentiellement trouver un bon boulot (car ayant surpris un politicien se faisant pomper) ; les étudiants à la rue financièrement (tel le journaleux en herbe Adam) en recherche de bourses ; les « spring breaks » dans le campus fortement alcoolisés (un alumnus décide de s’y rendre à ce moment avec femme et enfants, imagine le désastre,), etc. Wolfe maîtrise tous les ingrédients.
…à rapprocher de :
– Comme je le disais, Tom Wolfe, pour l’instant, ne mérite d’être lu qu’au travers son génial Bucher des vanités.
– Dans le domaine universitaire coté, avec un jeune protagoniste qui se fait intégrer au sein du gratin scolaire, c’est Le maître des illusions, de Donna Tartt, Bien meilleur que Wolfe à mon humble avis.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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Trouvé par hasard ce pavé lors d’une brocante. Vais m’y mettre avec plaisir un de ces 4. J’ai bcp de JCO, mais pas celui-ci.
J’ai bien aimé « Moi, Charlotte Simmons » tout comme les autres romans de Tom Wolf, » le Bûcher des Vanités » et aussi « un homme, un vrai ».
Au sujet des universités américaines et de la façon dont elles fonctionnent, il y a un roman de Joyce Carol Oates « Je vous emmène » édifiant sur le sujet et toujours si bien écrit, tellement original comme style.Quel talent !
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