VO : Lord of the Barnyard: Killing the Fatted Calf and Arming the Aware in the Corn Belt. Une des lectures préférée du Tigre. J’ai dévoré ce petit chef d’œuvre méconnu en une nuit, et me suis promis de le relire prochainement. Original, des passages qu’on lit trop rarement. Long, et très dense, le héros est magistralement épluché. Généreux, car vocabulaire jubilatoire et hilarant.
Il était une fois…
Sur 600 pages le lecteur va suivre la vie de John Kaltenbrunner, cas associable et plus qu’intelligent. Vivant seul avec sa mère, John se fait remarquer dès sa petite enfance en étant le vendeur de volailles le plus efficace de la région. Bien sûr ça attire les convoitises et exacerbe la bêtise de son entourage, si bien que John doit partir de Baker. C’est dans la fleur de l’âge qu’il reviendra dans sa ville natale, pour se venger.
Critique du Seigneur des porcheries
L’histoire de John, de sa petite enfance déjà hors du commun à la fin de sa vie, qui se termine en explosion d’humour et de tendresse, est une épopée comme on en lit rarement. Seigneur des porcheries car le héros, en plus d’être souvent dans la mouise, utilisera pour survivre et faire plier les obscurantistes de tout poil la saleté : travail dans une usine à bétail ou ramasseur d’ordures, son passage ne laissera aucun endroit indemme.
Un petit mot rapide sur l’auteur, dont Le Tigre n’a lu que deux titres (il n’y en a pas plus de trois semble-t-il) : Tristan a écrit ce roman au milieu des années 90, et la puissance de cette œuvre est telle qu’il semble qu’elle soit une sorte de catharsis. Sans compter que quelques thèmes se retrouvent dans Kornwolf, roman qui a suivi. Dix ans après Egolf commettait un suicide, alors au faîte du succès. Un auteur torturé, trois romans dont un sublime. Aurait-il pu continuer dans cette voie ?
Sublime, une grande claque, il n’y a pas d’autres termes. En plus de l’histoire abracabrantesque (merci Jacques), ce sont les descriptions d’Egolf et son vocabulaire exceptionnel qui constituent un plaisir sans cesse soutenu. Les termes, métaphores, images rendues sont le travail d’un orfèvre, chaque mot fait mouche et chaque page parvient au moins à nous arracher un sourire de contentement. Remercions également le traducteur, qui a su rendre à César ce qu’il lui appartient.
Livre assez ambitieux, où les descriptions sont légion, si vous accrochez ça peut se lire en une petite semaine. Un auteur américain pas forcément très connu, qui jette un pavé d’originalité dans la marre littéraire américaine. Le risque est de trouver toute littérature un peu fade après ça.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’obscurantisme de la populace. John K. va être confronté à des personnages hélas représentatifs de ce qu’on peut trouver dans n’importe quelle campagne arriérée de tout pays. Villes aussi. Méthodistes fanatiques, jeunes idiots attaquant sa ferme, petits chefs peu soucieux d’efficacité, l’image donnée par Egolf de la Corn Belt est loin d’être reluisante.
Peur du changement, rejet automatique de la différence, hypocrisie à pleurer, attaques sournoises contre John, le cœur du Tigre balance entre dégoût pour la bêtise incessante et rire par rapport au style de l’auteur et le fin mot de l’histoire, forcément réjouissante.
La « niaque » d’une personne hors du commun. John Kaltenbrunner (pourquoi je pense à Paul Kalkbrenner ?) a de la ressource, et est de la race à faire méthodiquement péter tout système mal conçu. La mise en place de la grève des éboueurs, notamment, est une ode à la persévérance et à la lutte contre l’imbécilité de la masse, aussi nombreuse soit-elle.
Volonté de fer (et de faire), charisme pour joindre les ouvriers qui souffrent comme lui, résistance active et passive contre l’autorité, Tristan Egolf semble prendre également une revanche en écrivant ce livre. On peut lire cette œuvre comme un manuel de résistance civile contre tous les travers d’une communauté et des membres clé qui la composent, surtout quand on découvre les réjouissantes conséquences des actes du héros.
…à rapprocher de :
– Si ça vous dit, j’ai recopié le premier paragraphe du roman ici.
– Kornwolf, second roman lu par Le Tigre d’Egolf. Décevant hélas.
– Avec un vocabulaire riche et chantant, Robert McLiam Wilson et son Ripley Bogle présentent des similitudes frappantes avec Egolf.
– Après la Corn Belt, vous pouvez faire un tour du côté de la Bible Belt, superbement racontée par Douglas Kennedy dans Au pays de Dieu. Très bon pour retrouver un peu de crédibilité et effacer quelques préjugés.
– Quelques San-Antonio, pour les descriptions à se taper sur les cuisses. Les Vacances de Bérurier, par exemple, avec ses personnages savoureux à souhait.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce sublime roman en ligne ici.
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