VO : Il secondo diario minimo. Ouvrage particulier, et qui ne laissera personne réellement indifférent : sous couvert de nombreuses réflexions souvent amusantes, Eco nous invite à explorer l’absurdité et la bêtise du monde moderne. Hélas le tout a fort mal vieilli, sans compter l’écart générationnel entre Le Tigre et l’auteur qui n’a pas aidé.
Il était une fois…
Rarissime, parfois garder la main sur le noble art du copier-coller du 4ème du couverture est nécessaire. Pas le genre du Tigre, mais il convient de savoir se faire offense au moment opportun :
« Avez-vous déjà eu besoin de mettre un saumon fumé dans le mini-frigo de votre chambre d’hôtel ? Tenté d’installer un logiciel en lisant les trois volumes d’explications fournis par le fabricant. Renoncé à prendre un médicament anodin en raison des risques terribles que sa notice fait peser sur » certains sujets » ? Entrepris de chercher du sexe sur Internet ? Si vous répondez oui à l’une de ces questions, alors vous vous reconnaîtrez dans les pages de ce livre, qui relate, sur un mode hilarant et, hélas, vraisemblable, les aventures et mésaventures de l’homme d’aujourd’hui. En guise de bouquet final, vous découvrirez la Cacopédie : un hallucinant voyage dans le savoir scientifique moderne poussé vers la folle à force d’atomisation et de luxe théorique… L’universitaire spécialiste de sémiologie, le romancier érudit et puissant du Nom de la rose et de l’Ile du jour d’avant livre ici un autre visage : celui, moqueur et généreux, d’un observateur de notre temps et de sa folie ordinaire. Il convient d’ajouter qu’on éclate de rire à chaque page. »
170 mots en plus, et ça évitera de vous donner des exemples sur ce que peut comporter l’ouvrage.
Critique de Comment voyager avec un saumon
On (la couverture, le libraire, même un proche !) avait promis au Tigre des barres de rire et une irrésistible envie de finir les pages. La réalité fut certes un moment agréable, quelques sourires ici et là, mais rien de plus. Déception donc, et note négative pour un auteur qui d’habitude envoie du très lourd.
Le roman se décompose en quatre parties inégales : une trentaine de pages d’un texte Galons et Galaxies (pas mal au demeurant) ; le gros du pavé avec les Modes d’emploi, classés par genre et dont certains sont de vraies pépites d’humour ; encore trente pages de La cacopédie (sorte d’anti-encyclopédie), souvent abscons malgré quelques bonnes idées, et enfin Alexandrie (Piémont), texte que j’ai très vite zappé (à raison d’ailleurs) tellement j’étais gavé.
Parce que Le Tigre ne fait pas que tirer à boulets rouges sur cette compilation d’histoires, il faut reconnaître au sieur Eco un certain talent pour créer d’extravagantes situations à partir de presque rien. Ses Modes d’emploi sont dans l’ensemble savoureux, et publiés dans un journal italien le succès devait largement être au rendez-vous. Nevertheless, certains sujets développés ont très mal vieillis (la technologie, voire la politique) et Le Tigre a eu l’impression de lire les pérégrinations de son papy qui, avec un style corrosif, s’attaque à la modernité.
Bref, ça se lit non sans plaisir, néanmoins je n’ai pas hésité à sauter des chapitres lorsque ça ne me convenait pas (cinq ou six, pas plus), et le souvenir du reste est très probablement périssable.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Sans surprise, c’est la critique douce-amère de du monde d’aujourd’hui (enfin d’il y a plus de vingt piges) qui constitue la pierre angulaire de ces récits. Internet, fax, administrations étatiques, pornographie, spectacle…l’auteur administre soigneusement ses claques à tout travers qu’il a pu rencontrer (ou exagérer, voire imaginer). Au-delà du rire, l’acuité de quelques textes est surprenante et permet de prendre un recul salvateur sur les comportements absurdes de nos contemporains (présentateurs TV, politiciens, entreprises). Derrière le rire, l’indignation en gestation.
Umberto Eco va même plus loin en s’essayant à la SF lors du premier texte (curieusement, un de mes préférés) : il s’agit de correspondances entre différents services militaires de la galaxie (qui est unifiée) se renvoyant la balle sur des questions d’ordre logistique. Demandes très complexes puisque les armées de notre glorieux système, en plus d’être en paix et n’être mobilisées que pour une sorte de championnat entre bataillons, sont ce qu’il y a de plus hétérogènes (incorporation des E.T. de chaque système oblige). Hautement improbable, mais terriblement sarcastique et m’ayant arraché un ou deux ricanements involontaires.
Pour finir, une critique qui découle de l’exercice de ces textes : le verbalisme (ou verbiage). Umberto est un intellectuel, et manie la langue avec une aisance certaine. Ainsi, Il Dottore se fait plaisir en balançant ici et là de savants mots, moins pour nous en envoyer plein la vue que pour démontrer la futilité de ces grands principes souvent mal invoqués. En étudiant attentivement la signification de certaines phrases d’apparence pompeuses, l’humour est toujours présent.
Au passage, chapeau pour la traductrice (Myriem Bouzaher) qui a du perdre quelques cheveux dans cette tâche.
…à rapprocher de :
– De Eco, Le Tigre se souvient du Cimetière de Prague. Pour lecteurs férus d’histoire.
– Pour ce genre de courts textes amusants, j’ai préféré le Mode d’emploi de Pérec.
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