Format original, histoire qui ne l’est pas moins, voilà de quoi passer un agréable moment où sourires et grimaces feront bon ménage. La référence du titre au dégueulasse Gainsbourg annonce au lecteur quel genre de héros il s’apprête à rencontrer, le psychopathe Marvin tient en effet une belle couche – et le flic alcoolo n’est pas en reste.
Il était une fois…
J’aime bien la manière dont l’ouvrage est présenté en quatrième de couv’, au moins les jalons sont posés :
« D’un côté, y a Marvin, un jeune gars qui pète un câble, un jour, dans l’métro. Et qui bute un mec parce que ce mec s’est assis sur lui sans s’excuser. La fois de trop, quoi. Genre la goutte d’eau qui fait déborder l’vase. Du coup, ça lui donne des idées. Radicales et extrémistes. Alors ce crime promet d’être le premier d’une longue série.
D’un autre côté, y a Miles. Ex-flic, aujourd’hui alcoolo, dont la femme s’est sauvagement fait assassiner quelques années auparavant. Mais il garde ses entrées dans son ancien commissariat. Et le chef le rappelle, quand le tueur du métro fout le bronx dans Paris. »
Critique du Poinçonneur des Lilas… et d’ailleurs
Déontologie du Tigre oblige (mon code est en lien), le félin signale que l’auteur a, non sans tremblements (du moins je l’espère), contacté le geôlier du présent blog pour proposer son œuvre d’un noir de jais. Moi qui aime ce qui est intensément glauque, refuser aurait été malvenu. Et, en effet, c’est sombre. Juste ce qu’il faut, mais pas au point de finir l’ouvrage en pleurant amèrement, nu dans sa douche dans une posture néo-dépressive.
Car il y a quelque chose de jouissif à lire les pérégrinations des deux protagonistes qui, au fil des chapitres, gagnent assurément en profondeur. Si on sent l’énorme traumatisme infantile chez Marvin (dont on se demande comment il parvient à ne pas se faire virer du taf), le passif de Miles justifie, dans une certaine mesure, son état – femme atrocement assassinée. Pendant que Marv’ dégoupille (façon de parler) l’âme d’individus plus ou moins sélectionnés, Miles s’intéresse de près à ces meurtres, sans pouvoir mettre le doigt sur ce qui cloche. Le dénouement, quasi absent, laissera toutefois le lecteur en plan – tsss….
Quant au style de l’écrivain, c’est du condensé de chez sec. Les phrases sont courtes et rageuses, comme si la violence ne pouvait souffrir d’expression écrite et voulait sortir des pages. Au risque de me perdre dans les premières pages d’ailleurs, Marvin comme Miles accusant le même franc parler qui rend la distinction parfois difficile. L’impression de lire vite est aidée par des paragraphes bien aérés d’où s’invite, étonnamment, de la poésie : mots esseulés, expressions hallucinées, art des rimes et des vers foulés au pied, c’est de la poésie pulp pour écorchés.
Pour conclure, si l’éditeur annonce quinze à vingt minutes par épisode, de mon côté ce fut plutôt une heure de lecture pour les six. Et je n’ai pas vu passé ces soixante minutes. Certains lecteurs pourraient reprocher un style parfois peu fouillé et livré dans un langage parlé, mais ça me semble être le souhait de l’auteur qui renoue avec la tradition dite « pulp » (cf. partie suivante).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le pulp, donc. Pour faire simple, il s’agit d’un genre de magazines américains un peu cheap qui connu un certain succès dans les années 60. Intrigues policières, sagas épiques de science-fiction, romance à l’eau de rose, la belle littérature classique (celle qui est, pour un ado, plutôt chiante) n’était pas l’apanage de ces papelards. Dans notre cas, Vincent Virgine est allé plus loin en proposant un court roman qui se lit comme une série télévisuelle moderne : le roman est une saison subdivisée en six épisodes (temps de lecture équivalent au visionnage d’une série), eux-mêmes structurés en quelques chapitres. Et, à quelques exceptions près, trois chapitres – soit deux coupures pub !
Un autre thème qui m’a marqué, outre la noirceur intrinsèque à l’humanité (thème souvent rabâche sur QLTL hélas), est la presque institution du métro parisien – j’imagine que ça s’applique à tous les subways, sauf celui de Singapour. Des usagers blafards qui tirent une gueule d’enterrement, la puanteur omniprésente, l’incivilité chronique, les attouchements de partout, en fait on prendrait presque Marvin en sympathie dès qu’il occis un indélicat. Les mots pour décrire les infâmes lignes métropolitaines sont trop justes pour que Vincent V. n’en aie pas personnellement souffert. Pas vraiment le genre de bouquins sponsorisé par la régie des transports parisiens…
…à rapprocher de :
– La seconde saison s’intitule La Collection des morts. Cela reste correct même si c’est moins nerveux que le présent roman.
– Le principe des romans livrés sur le net sous forme de feuilleton a le vent en poupe, à l’instar des aventures du copiste de François Szabowski (premier tome et second ici).
– C’est amusant, mais vers la moitié du roman, Tigre s’est dit « putain, si ça se trouve Marvin et Miles sont une seule personne. L’auteur ne respecte rien, il va jouer sur les plates-bandes de Fight Club, écrit par mon petit protégé Chuck Palahniuk. ». En fait, j’avais tort – pour l’instant.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Ou, mieux, via le site de l’éditeur – qui propose même les épisodes un par un, en numérique.
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