Deux personnages torturés, deux êtres seuls dans la morne cité parisienne, deux mecs prêts à partir en orbite, voilà pour nos héros qui dépassent les bornes de la bienséance. Texte amer et parfois aride, violence hallucinée dans un Paris d’un glauque achevé, l’ambiance n’est définitivement pas au youpi-tralala – plus de noirceur, moins d’humour.
Il était une fois…
Dans la première saison, Marvin zigouillait tranquillos des connards qu’il croisait dans le métro tandis que Miles, ex-flic porté sur la bouteille, recherchait activement l’assassin de son épouse. Ces mêmes personnages reviennent, plus dérangés que jamais, chacun ayant ses penchants pendables – genre séquestrer son père et son patron dans une cave ou prendre des photos de cadavre. Qui est le pire des deux ? [suis pas mécontent de savoir que c’est une fiction, même si je pressens que des types de cet acabit sont autour de ma frêle personne en prenant les transports en commun]
Critique du La Collection des morts
A l’instar de la première saison de Marvin, le fauve porte à votre attention l’existence d’un auteur inclassable qui, pour la seconde fois, a osé frappé à la porte de ma modeste tanière pour m’apporter le présent roman. Même format, à savoir six chapitres censés se lire en autant de temps qu’il faut pour mater six épisodes télévisuels de 20 minutes chacun. C’est le format « série » appliqué au genre Pulp, sec et violent.
Le retour dans l’univers bipartite Marvin/Miles fut assez délicat dans les premières pages, se replonger dans l’atmosphère visuellement peu descriptive (mais intellectuellement riche) m’a causé quelques prises de tête. Sans compter que les deux premiers épisodes, empreints de rage, n’aident toujours pas à savoir qui prend la parole entre cette paire de fous. En rajoutant un vocabulaire fait d’abréviations et de prises de liberté avec notre belle grammaire (le décalage avec certains passages plus oniriques est remarquable), comprenez qu’il faut parfois s’accrocher sec.
Toutefois, il faut reconnaître que l’histoire (et la lisibilité) se décante agréablement dans la seconde moitié du roman. Le lecteur découvrira les terribles petits penchants du meurtrier et du flic qui plongent, un peu plus bas chacun, dans leur propre noirceur – entre séquestration et voyeurisme morbide. Leurs problématiques les distinguent davantage puisque Miles commence à sérieusement gamberger sur l’identité du tueur de femmes, Marvin continuant allègrement ses séances de torture. Heureusement que cette différentiation dans leurs buts s’étoffe d’ailleurs, puisque j’ai eu l’impression que ces deux personnages tendent à se rejoindre dans leur état d’esprit (paranoïa et haine du monde qui les entoure).
Enfin, j’ai comme eu le sentiment que Vincent Virgine, du haut de son talent, a pris pendant quelques chapitres une pause que je qualifierais de « sociétale ». Car les monologues intérieurs des personnages prennent le pas sur une intrigue qui parfois semble piétiner jusqu’à ce qu’un évènement relance tambour battant la machine littéraire. Quoiqu’il en soit, les saisons mises bout à bout méritent de s’y attarder – si vous supportez les longues saillies, confuses mais non dénuées de poésie, s’en prenant à notre civilisation.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La morbide collection est, dans ce deuxième tome, une constance. D’un côté, on découvre l’odieux Marvin qui garde son papa (que lui reproche-t-il donc ?) dans son sous-sol, le nourrit sporadiquement et allume des ampoules de milliers de watts (au moins) dans la gueule à intervalle plus ou moins régulier. La collection démarre lorsqu’il décide de s’en prendre à son patron, personnage pour qui le félin ne miserait pas un kopeck. Double meurtre en préparation donc ? De l’autre côté, l’ancien policier collectionne quelque chose de plus bizarre : les photos de femmes assassinées qu’il « prépare », avant l’arrivée des poulets, pour leur faire prendre un pose presque érotique. Car ça lui rappelle feue sa tendre moitié, force est de constater qu’il tente de reproduire sur d’autres la dernière image qu’il a de sa bien-aimée – jusqu’où ce fétichisme amènera ?
Enfin, l’auteur traite, après le meurtre pur et simple, cette noble activité qu’est la torture. Celle des corps vivants, évidemment, grâce au héros de la saga. Si Virgine se garde de trop décrire par le menu les exactions commises sur des quidams pris au piège d’un fou, le malaise n’est jamais loin. Torture des esprits également, avec les deux narrateurs qui paraissent irrémédiablement basculer dans un état de stress ultime qui ne les quitte plus. Entre l’acerbe nervosité entretenue par l’alcool et la solitude amenant à un réflexe de misanthropie sans précédent, nous voilà face à deux cerveaux qui ont tout d’une poudrière. Merde, j’ai hâte de savoir ce qu’il adviendra quand Miles et Marvin se rencontreront – peut-être est-ce déjà arrivé…
à rapprocher de :
– Il est vivement conseillé de commencer par la première saison, en lien.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Ou, mieux, via le site de l’éditeur – qui propose même les épisodes un par un, en numérique
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