VO : Dr. Mukti and Other Tales of Woe. Deux psychiatres qui se livrent une guerre sanglante ou des hommes coincés dans leur cerveau malade, il y a de quoi sourire. Will Self, comme à son habitude, a fait montre d’une imagination exceptionnelle et de flamboyance. Trop sans doute : si la première novella est surpuissante, force est de constater que le reste va trop loin.
Il était une fois…
Lors d’un colloque entre spécialistes des maladies mentales, le docteur Shiva Mukti fait la rencontre de Zack Busner, vieille légende qui a notamment proposé une théorie la démence. Une intense correspondance se met en place entre les deux hommes, et la science fait rapidement place à l’irrationalité. Bienvenue dans l’univers interlope de la démence la plus intrigante.
Critique de Dr. Mukti
Heureusement que j’étais rompu au style de cet écrivain anglais, parce qu’il a fait particulièrement fort avec ce recueil. C’est plus que difficile à lire, bourré de références culturelles (certaines m’étant passé au-dessus du ciboulot) avec des termes que je ne lis que trop rarement. Will Self, ou la surprise constante grâce à un style inimitable, entre violence crue et termes d’une précision toute chirurgicale. Je n’ose même pas imaginer ce que ça donnerait à lire en anglais, y’a moyen de court-circuiter un bon millier de neurones.
Revenons à notre bon Docteur Mukti, dont la novella éponyme occupe bien deux tiers de l’ouvrage. Le Tigre s’est surpris à ricaner plus d’une fois avec les deux praticiens se livrant quelque chose qui a tout d’une guerre. Si le lecteur décèle, dès les premiers échanges confraternels, une sorte de concurrence larvée, la situation met très peu de temps à empirer.
Car l’affrontement prend une tournure de guérilla psychologique à peine voilée ; faite d’envois de patients qui sont autant de grenades dégoupillées prêtes à péter dans le cabinet du destinataire. Busner ouvre les hostilités en recommandant Pinner, qui en tient une belle couche ? Shiva Mukti répond en lui balançant Rocky, rastafariste d’opérette qui a laissé le « peace & love » dans le vestiaire. C’est lorsque Busner sélectionne Darlene Davis, une femme gothique anorexique, que l’aimable plaisanterie commence à faire grincer des dents – pour notre plus grand plaisir.
Hélas, les autres textes (cf. infra) ne sont pas à la hauteur. Disons que Self, sans doute très content de sa prose, s’est oublié par la suite et a du forcer sur la dose (de je ne sais quoi), résultat c’est du joli n’importe nawak. Aussi, si par extraordinaire c’est votre première expérience avec Self, je vous conseille de vous arrêter au premier texte et de ne pas s’emmerder à lire la suite. Cela ne vaut pas le coup.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Il faut savoir que les autres nouvelles de cet ouvrage ont des liens avec d’autres titres du bon Self. Certaines sont des préquelles, à l’instar de la dernière qui introduit l’immense Les Grands Singes. Quant à Dr. Mukti, la présence de Busner invite à se pencher sur ce personnage, héros de La théorie quantitative de la démence, texte affolant s’il en est. Quant à 161, ça passe correctement, toutefois les trois qui suivent sont trop bizarres et peu aisées à lire – à moins que ce ne soit la traduction.
De manière assez classique, la lutte entre les deux protagonistes, exacerbée au possible, va faire naître la folie – à côté de laquelle l’esprit dérangé des patients paraît bien pâle. L’émergence de cet état ressemble bien à une forme élaborée de drague où chaque docteur cherche à recueillir l’aval (et le respect) de son confrère. Cette pressente envie de nourrir l’ego et d’afficher sa compétence entraîne un lâcher-prise assez jouissif, responsable de l’aliénation de deux individus paraissant, au premier abord, sains d’esprit. Sauf que les fous sont partout.
…à rapprocher de :
– De Self, commencez plutôt par Vice-versa. Court et excellent. Si vous vous sentez en forme, alors Mon idée du plaisir ou Les grands singes devront vous ravir.
– Une autre nouvelle, plus courte mais moins aisée à lire, peut être testée : The Sweet Smell of Psychosis. Toujours en VO, Umbrella est la croix et la bannière à comprendre. Quant à Ainsi vivent les morts, ça vaut largement le coup. Il en est différemment de La théorie quantitative de la démence (deux nouvelles OK, le reste bof).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Will Self – La théorie quantitative de la démence | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Ainsi vivent les morts | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Mon idée du plaisir | Quand Le Tigre Lit
Ping : John Irving – La quatrième main | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Vice-versa | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – No smoking | Quand Le Tigre Lit