VO : The Butt. Un homme, prisonnier d’une île lointaine, sera trimbalé de droite à gauche à la suite d’un regrettable geste en apparence anodin. Et c’est parti pour plus de 400 pages d’aventure. En principe, Self, c’est court et détonnant. Ici, un peu trop poussif à mon avis, Le Tigre a eu largement le temps de s’ennuyer. Dommage.
Il était une fois…
Tom, un Anglais de CSP moyenne (catégorie socioprofessionnelle, dans le jargon du marketing), est en vacances avec sa petite famille dans une île exotique. Tom est fumeur, et en jetant par mégarde un mégot depuis la fenêtre de son hôtel, atteint le crâne d’un local. A partir de là, tout part en sucette. Mais gravement.
Critique de No smoking
Petit mot sur la traduction du titre, toujours aussi hasardeuse en France. The Butt, c’est un mégot, objet originel de l’aventure que le lecteur s’apprête à lire. Mais c’est aussi d’autres choses : un coup de tête, une unité anglo-saxonne pour le vin, etc. Bref, mot à multiples significations, chacune pouvant être associée à l’histoire.
Car cette histoire est proprement hallucinante, improbable et fine malgré tout. Tom, Anglais fumeur, commet un acte anodin qui entraine un bordel monstre. Accusé de tentative de meurtre, il est balloté dans un grand pays aux coutumes bien incompréhensibles et fantasques.
Le tout ressemble fort à un long roman d’apprentissage. La repentance de Tom, à la limite du masochisme d’ailleurs, lui obligera à parcourir le pays, une île qui doit être de la taille de l’Australie, avec autant d’ethnies qu’en Afrique. Les différentes péripéties ethnologiques font de ce titre quelque chose d’assez complexe avec de nombreux passages ennuyeux que Le Tigre a allégrement zappés.
Mais Self revient. En effet la fin rattrape le roman, on retrouve l’auteur dans de ce qu’il fait de mieux question imagination corrosive (et intelligente). Subversif, drôle parfois (mais pas assez vu le nombre de pages), le lecteur assidu devra, malgré les défauts d’une narration parfois longue (chapitres interminables), s’accrocher car la dernière partie vaut son pesant de cacahouètes.
La notation est sévère puisqu’en matière de Will Self Le Tigre s’attendait, fort légitimement, à un ouvrage bien plus percutant. Le vocabulaire est toujours aussi recherché et savoureux, mais quand ça tourne en rond le terme qui vient à l’esprit est « agaçant ».
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce roman, avec son vernis humoristique (même si Self a su faire bien mieux), est surtout une virulente critique de la (néo) colonisation des contrées à la culture si différente. Quelques décennies après la décolonisation, « l’anglo » (le pire d’un mélange de culture britannique et américaine) est toujours aussi borné et incapable de se comporter normalement dans un pays aux us si différents. Même si lesdites coutumes sont fort exagérées, le dépaysement pour Tom est complet et ce dernier découvrira de nouvelles façons de penser. Pour notre plus grand plaisir.
L’aventure kafkaïenne. Contrairement au vrai Franz K., on se perd rapidement dans No smoking. Lorsqu’on croit que c’est fini, en fait non il reste un point de droit épineux, voire une énième démarche à effectuer. La législation locale est un mille feuilles ahurissant résultant tant des temps des colons que de l’incompétence des autorités qui ont pris le relais. Ça devient tellement n’importe quoi que c’en est épuisant à la longue. Le roman d’aventures prend alors des tournures d’un chemin de croix pour le lecteur.
A propos de chemin de croix, Le Tigre se demande parfois si ce roman ne serait pas une subtile allégorie aux affres de l’arrêt du tabac. Car le héros doit arrêter de fumeur. Will Self, qui était quand même bien drogué sur les bords (héro notamment) et qu’on voit toujours une clope au bec sur les photos, serait capable d’imaginer un tel truc.
…à rapprocher de :
– Préférons ensemble Dr Mukti (seulement la première Novella), Mon idée du plaisir ou encore Vice-versa de cet excellent auteur qu’est Self. En VO, The Sweet Smell of Psychosis est une surprenante friandise, toutefois Umbrella est excessivement difficile à suivre. Ainsi vivent les morts est très agréable. Pas comme La théorie quantitative de la démence (deux nouvelles OK, le reste bof).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Will Self – La théorie quantitative de la démence | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Ainsi vivent les morts | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – The Sweet Smell of Psychosis | Quand Le Tigre Lit
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Ping : Malcolm Lowry – Au-dessous du volcan | Quand Le Tigre Lit
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