Grosse nouvelle d’un auteur déjanté et passablement , voici une presque biographie des pérégrinations hallucinées d’un Beigbeder londonien. De très bons morceaux de littérature servis par un vocabulaire riche, hélas Le Tigre n’est guère habitué au style, pas évident à saisir en anglais.
Il était une fois…
Le jeune Richard Hermes (ses copains utilisent l’adjectif « young ») est un journaliste plutôt cheap qui écume les bars de Londres (surtout un en fait) en buvant et sniffant à toute berzingue. Où qu’il aille, la star des médias, monsieur Bell, est présente et lui rappelle tout ce qu’il n’est pas pas. En outre, comment exister aux yeux de la divine Ursula Bently, et tenter son coup lorsqu’on est une pharmacie sur pattes ?
Critique de The Sweet Smell of Psychosis
Concernant certains écrivains, dont Will Self, Le Tigre n’attend point la traduction. Surtout que cette nouvelle, écrite à la fin des années 90, ne semble pas vouloir passer la Manche et atterrir dans une couverture rédigée dans la langue de Molière.
Et c’est fort dommage, parce qu’en anglais j’ai bien peur de n’avoir pas pu saisir l’intégralité du talent de l’auteur. Alors certes j’ai tout suivi, peu de mots m’ont échappé (Self fait la part belle aux termes français d’ailleurs), mais j’ai été bien loin de la claque littéraire tant vantée par les critiques dithyrambiques du quatrième de couverture.
En suivant un héros sous narcotiques dans le Londres underground avec ses petits amis, il y avait pourtant de quoi se marrer, entre visites de Pablo (terme à la mode pour la cocaïne dans cet ouvrage), verres dans des bars glauques surbondés ou descriptions acides de protagonistes hauts en couleurs. En sus, Self nous agrémente d’une légère histoire de cœur, avec le bon Richard qui en pince gravement pour Ursula. Sa façon d’être, son parfum, ce qu’elle dégage, les rencontres à répétition, tout est délivré avec un vocable séduisant et les images viennent rapidement à l’esprit.
En outre (et en parlant d’images), le petit plus de ce titre est la dizaine d’illustrations de Martin Rowson. Ce dernier, qui doit bien connaître l’auteur, a su dresser quelques tableaux en phase avec le phrasé de Sefl : noir et blanc, caricatural à l’excès (les personnages comme l’architecture), détails qui fourmillent avec un encrage que je qualifierais volontiers de « victorien » (gothico-glauque).
Pour conclure, voilà un bel exemple de sous culture urbaine qui ravira les fans du genre. Il m’est pourtant arrivé d’avoir été largué sur quelques passages. 90 pages qui se lisent en autant de minutes, cependant proposer un tel format pour 8 £ (soit plus de 10 euros) a brièvement transformé le fier félin en un inoffensif pigeon. Moins bonne note également pour un auteur avec lequel je suis éminemment exigeant.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La drogue. Self est connu pour ses frasques dans ce domaine. Par exemple, il a été viré du journal où il exerçait après avoir été balancé par un concurrent pour avoir pris de l’héroïne dans l’avion du Premier ministre (John Major si je ne m’abuse). Alcool, coco, pipes à opium, le Richard carbure un peu trop et les lendemains dans son bureau de journaliste sont difficiles (lorsqu’il daigne s’y rendre). Le doux goût de la psychose, dans les dernières phrases, est celui amer de la cocaïne après une expérience sexuelle plus que déroutante.
Le monde des « hack reporters ». Le titre prend une saveur encore plus autobiographique avec le métier du héros, celui de Self dans les années 90. Le journaliste « hack », c’est celui qui alimente les rubriques des chiens écrasés ou autres articles à sensations au style facile. Journaleux médiocre qui privilégie la quantité à la qualité, la productivité est intimement liée à la prise de stupéfiants dans cette nouvelle. L’auteur en profite pour nous présenter un parfait hack, qui fait montre du don d’ubiquité (lorsque ce n’est pas se dédoubler à plusieurs reprises) et parvient à être présent dans tous les médias. Cet individu n’est rien d’autre que Bell, antagoniste de Richard et objet d’une inquiétante fixation par ce dernier.
…à rapprocher de :
– De Self, Le Tigre a particulièrement apprécié les deux nouvelles dans Vice-versa. Mon idée du plaisir (un presque must) ; Les Grands Singes ; Dr Mukti ; No smoking (décevant) ; Umbrella (arf, pas fini) ; Ainsi vivent les morts (plussss que correct) ; La théorie quantitative de la démence (deux nouvelles OK, le reste bof).
– Autre Britannique, Richard Millward a ravi Le Tigre avec son très déconnant Block Party, où drogues et arts sont les ingrédients d’un détonnant mélange.
– En version U.S. (sans l’anticipation sociale), Augusten Burroughs et son Déboire vaut le coup d’être lu.
– En français, et en moins bien, il y a toujours les Nouvelles sous ecstasy de Beigbeder. Ou Vacances dans le coma, carrément chiant.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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