Vocabulaire extrêmement riche servant une histoire onirique, entre rêve éveillé et réalité où tout se mélange, c’est comme un bloc de parpaing à traîner dans sa pile à lire. Je n’ai pu aller au-delà de 20% de l’œuvre qui évoque une femme qui, à la suite d’une maladie, revit son passé dans le présent. Voici donc la chronique d’un parfait échec tigresque.
Il était une fois…
Grossièrement, voici ce que le quatrième de couv’ promettait : Audrey Death croupit dans un hôpital, entre la vie et la mort. Elle se remémore alors sa longue existence, de son boulot dans une usine à munitions pendant la première guerre mondiale à ses coups d’éclat en tant que suffragette. Parallèlement, le docteur Busner tente de sortir Audrey de sa torpeur en utilisant une drogue miracle.
Critique de Umbrella
Je vous le dis tout de suite : je n’ai RIEN bité à l’histoire. Mais alors rien du tout ! A peine si Le Tigre a repéré quelques considérations sur la jeunesse de l’héroïne ou l’arrivée du Docteur Busner dans un hôpital. Pour le reste, nichts ! Fucking nothing même ! Pour la première fois, le félin a su dès la troisième page qu’il n’irait pas jusqu’au bout. Restait à savoir quand. Et si je me suis fixé cent pages, je vous avoue que dès la quatre-vingtième je tirais de la langue et voyais d’inquiétants halos autour des mots.
Oui, j’ai eu les yeux trop gros que le ventre. En prenant le pari de lire un de mes écrivains favoris directement dans sa langue comme cela m’arrive souvent, je ne savais pas qu’ici j’allais être intellectuellement fisté par la richesse du vocabulaire et la densité d’un titre dont la traduction sera un cauchemar pour qui s’y collera. Le travail d’écriture est celui d’un orfèvre doux-dingue et il ne serait pas étonnant que Umbrella constitue son petit chef d’œuvre. Sauf que je ne suis pas assez sachant pour l’apprécier pleinement – l’absence de chapitrage n’aidant pas.
Si je n’ai que peu capté le scénario, force est d’avouer que les termes utilisés par Willy S. sont élégants, précieux, et les expressions extrêmement recherchées. Lire à voix haute les phrases du roman est un plaisir d’esthète, plus d’une fois j’ai été soufflé par l’audace stylistique du mec. En un mot comme en deux : tout ceci a de la gueule. Pour conclure, je vous propose de lire avec moi la prose de l’écrivain britannique. J’ai donc pris deux phrases au hasard à la page 240 (un multiple de 12, forcément) et ai retranscrit ce que je voyais. Accrochez-vous :
Were you, old chap, to shin up the pitted concrete stanchion and, by poising on that bolt and winging your other foot wide, circumvent the bunch of razorwire, you’d be able to caress the porcelain, grasp the crackling hum…Would you, he wonders, in the last jolt of time before your heart short-circuited, and you were left dangling and jerking, with rotten smoke drifting from your ears, be able to feel, with fingertips questing for life, the steely filaments plaited into this hank of high tension ?
Vous avez saisi la difficulté ? Pour ma part, si je comprends les mots séparément, impossible de continuellement raccrocher les wagons. Si vous rajoutez des passages entiers en langage parlé, c’est-à-dire qu’il faut les lire à intelligible voix pour avoir une idée de quoi il cause, alors vous pouvez provisionner douze bonnes heures pour terminer le roman – sans forcément savoir ce dont il était question. Néanmoins, ce fut au-dessus de mes forces, Will Self m’a tuer.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Désolé de le dire si tard, mais il faut savoir que la prose de Will Self correspond à un genre littéraire bien particulier : le « courant de conscience » (dit Stream of conciousness), à savoir écrire au fil des pensées du narrateur, forcément difficiles à suivre. Et cela explique beaucoup de choses, notamment : ça part dans tous les sens ; les chapitres sont absents et les pauses presque inexistantes ; les effets disruptifs, flashbacks et associations d’idées aléatoires sont omniprésents ; et parfait l’écriture est orale. C’est séduisant en diable, mais avec la prose détonante de Self et en langue anglaise, ça n’a simplement pas franchi le vestibule de ma compréhension.
Concernant le titre, le fauve a cru comprendre que l’état de semi-conscience du protagoniste principal renvoie à l’idée que beaucoup se font d’un parapluie : il s’agit en effet d’objets familiers et interchangeables, à l’image des différentes phases d’Audrey. Un parapluie se perd, se retrouve dans des endroits inattendus, on peut l’oublier des semaines quelque part, puis ne plus pouvoir s’en passer des jours durant (à l’instar de souvenirs épars désordonnés mais dont, au bout du compte, on retrouve le fil). En fait, n’étant guère certain de cette explication, n’allez pas m’injurier parce que j’ai tout compris de travers – ce qui est plus que probable.
…à rapprocher de :
– Comme vous le savez, Le Tigre adôoooore Will Self, pour l’instant sur le blog vous trouverez Mon idée du plaisir (un régal de première) ; No smoking (chiant) ; The Sweet Smell of Psychosis (en anglais, court et bon) ; Vice-versa (classique à posséder) ; Ainsi vivent les morts (très passable) ; La théorie quantitative de la démence (deux nouvelles OK, le reste bof).
– La forme du roman est peu ou prou celle de Block Party, de Milward – à la différence que ce dernier auteur n’a même pas pris la peine de faire un seul saut der ligne.
– Concernant l’état médical d’Audrey, quelques passages m’ont fait penser à L’homme qui prenait sa femme pour son chapeau, d’Olivier Sacks : Audrey se comporte, au début des années 70, selon des souvenirs d’une autre époque de sa vie, ce qui ne manque pas de mystère pour le corps médical.
Enfin, si votre librairie est fermée et que vous vous sentez plus aguerri que Tigre, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Will Self – La théorie quantitative de la démence | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Ainsi vivent les morts | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Dr Mukti | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – The Sweet Smell of Psychosis | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Mon idée du plaisir | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – No smoking | Quand Le Tigre Lit
Ping : Richard Milward – Block party | Quand Le Tigre Lit
Ping : Will Self – Vice-versa | Quand Le Tigre Lit