VO : Falls the Shadow. On prend le même héros, éternel avocat cynique défendant parfois la veuve et l’orphelin, une sombre histoire de meurtre en apparence résolue, quelques cas sociaux dans les mêmes, et on recommence le tout ! Toujours aussi bien construit, avec de nombreuses surprises qui émaillent la narration, ça se laisse lire.
Il était une fois…
Victor Carl, avocat un poil borderline à Philly, décide d’accepter un client déjà condamné à perpétuité. Le prisonnier, beau parleur qui plaît énormément à l’associée de Carl, veut faire réviser son procès alors qu’il ne semble n’y avoir aucun nouvel élément – sans compter que Victor C. ne pense pas une seconde à son innocence. L’enquête peut (re)commencer. [pour ceux qui se demandent ce qu’un mal de dentiche vient foutre dans le titre, c’est juste que Carl, atteint de ce côté-ci, va voir un dentiste qui aurait toute sa place dans la pire cour des miracles que la Terre ait connue.
Critique de Dette de sang
Lashner n’est pas loin de la valeur sûre, et cela en grande partie grâce à son héros, baveux à la répartie cinglante, autant cynique qu’ingénu dans la manière de gérer son business. Le genre de gars qui, souvent par culot, parvient à se sortir de situations bien merdiques.
Le scénario est plutôt original car prend « à l’envers » une enquête classique, ce qui est intéressant d’un point de vue dont la procédure américaine fonctionne concernant les révisions de procès. Et pas n’importe quel procès, puisque le condamné est François Dubré, célèbre cuisinier français (french bashing, here we go) dont l’épouse a été salement zigouillée. Cette histoire principale sollicitera les compétences (intelligence, ruse, curiosité) de notre héros dont l’appréciation des faits sera différente de Beth, son amie/associée.
Quant au style, c’est plutôt bon : la fluidité de lecture est aisée et les dialogues sont pleinement savoureux. Le Tigre a d’autant plus ressenti cette facilité qu’il semble que l’auteur américain s’est fait plaisir, à savoir que l’aspect purement thriller (mâtiné de noires considérations sociétales) est secondaire par rapport à l’omniprésence de l’humour et de situations souvent improbables. En revanche, le rythme est loin d’être optimal, quelques longueurs sont à déplorer. Il arrive même à Lashner de laisser en embuscade, à l’issue d’un paragraphe ennuyeux (et en apparence inutile), une scène d’action qui dépote.
Pour conclure, encore un énième polar qui dépasse allègrement les 600 pages qui, parfois, se font un peu longues. Toutefois, Rage de dents, parce que basculant plus franchement dans la gaudriole, me paraît plus agréable que Dette de sang, son prédécesseur (en lien en dernière partie).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Dans cet ouvrage, il appert que lorsque Carl s’intéresse à une affaire, alors celle-ci empire gravement – il remue souvent la merde. Si la robe d’un avocat rappelle celle d’un prêtre, c’est que les deux sont les confidents nécessaires des justiciables. Certaines questions se posent alors (et Carl y répond non sans une certaine finesse) : jusqu’où puis-je aller pour défendre quelqu’un ? Ai-je le droit de fouiller dans sa vie personnelle à la recherche de ce qu’il pourrait le sauver ? Où commence la blâmable ingérence ?
Et c’est notamment là que le personnage principal (dont la psychologie est bien plus travaillée que les autres protagonistes) devient réellement sympathique : Carl n’a, « déontologiquement » parlant, aucune obligation particulière de continuer ses investigations/actions. A plus forte raison s’il sait qu’il ne touchera aucun émolument. Pourtant, et pour des raisons tenant à la moralité, il se décarcassera pour son client.
C’est un peu le cas avec la seconde histoire. Le félin a failli oublier de vous en parler : Carl est également le conseil, à titre gratos (on dit pro bono dans ce milieu), d’un gosse dont on soupçonne qu’il fait l’objet de maltraitance de la part de ses vieux. Outre l’ingérence (ici nécessaire) au sein d’une famille, cette intrigue serait de nature à tirer quelques larmes aux lecteurs les plus émotifs. Cela tend à légèrement diminuer l’aspect grand comique du livre en général, ce truc de gamin qui est trop tôt mis en contact avec des problématiques d’adultes.
…à rapprocher de :
– De Lashner, Le Tigre a dévoré toute la petite famille. Ça démarre (du moins chez cet éditeur, sauf erreur de ma part) par Vice de forme, puis Dette de sang, le présent titre, L’homme marqué (un des plus mieux) ou encore Le baiser du tueur.
– En plus violent et moins « juridique » sur les bords, vous pourrez prendre un malin plaisir à lire les aventures de Joe Kurtz, par Dan Simmons.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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