Petite sucrerie visuelle offerte au Tigre, bouffée très rapidement, c’est autant déroutant qu’original. L’auteur (l’artiste, plutôt) chinois a eu l’idée de rédiger un « roman » à partir de pictogrammes en principe compris par tous, et pour le franchouillard Tigre ça s’est plutôt bien passé. S’il faut se concentrer plus d’une fois sur cette prose particulière, le résultat est globalement réussi.
De quoi parle Une histoire sans mots, et comment ?
Pour les incultes aussi ouverts à la culture qu’un vulgaire félin cloîtré dans sa tanière avec l’intégrale de Musso, Xu Bing est un artiste contemporain chinois qui collectionne quelques prix dans le vaste monde. En tout cas c’est que j’ai découvert. Sinon, j’ai jugé préférable de classer cette œuvre, qui raconte certes une histoire, dans les essais artistiques. Car la forme prime largement sur le fond.
En effet, on s’en tape un peu le coquillard, du scénario. L’auteur retrace une journée typique d’un « working men » bossant dans une entreprise (marketing ? Audit ? Quelque chose de pipeau dans ce genre) en Asie. Réveil avec un zoizeau (en Chine ? come on..) ; stress dans les transports ; boss qui le rappelle à l’ordre pour faire péter une présentation powerpoint ; dragouille via le net et prise de RDV avec une inconnue ; soirée avec la belle, puis avec un pote ; retour tardif à la piaule ; et enfin dodo difficile à cause d’un moustique (là, je me reconnais enfin).
Tigre n’a pas l’habitude de prendre en photo l’intérieur d’un bouquin, mais là ça me paraît justifié. Ça m’évitera surtout de trop décrire le choc en ouvrant ce titre. Bah oui, Xu B. a conçu son histoire uniquement à partir de pictogrammes (des images, différent d’idéogrammes, qui sont plutôt des symboles) qui sont censés offrir une cohérence. En ce qui concerne mon pétillant cerveau, il m’est arrivé de ne pas comprendre de quoi il retournait, et très franchement je m’en foutais du moment que l’idée générale était comprise. Car il est des passages vis-à-vis desquels il faut décortiquer toutes les relations entre les items, surtout lorsqu’il est fait état de relations mathématiques (genre =, + et () de partout).
En conclusion, une impression positive uniquement grâce à l’effet de surprise (offrez ça à une nana, et elle vous prendra pour un grand malade). Petit coup de gueule final contre ce gougnafier d’éditeur qui n’a pas suivi le jeu et s’est permis un quatrième de couverture avec des mots. Bande d’idiots, à la rigueur vos trucs « légaux » (date d’impression, copyright, etc.), je comprends, mais faites au moins un petit effort !
Ce que Le Tigre a retenu
Sur l’histoire, vous aurez compris qu’il n’y a pas grand chose à dire. Peut-être à part le fait que notre héros fait partie de ce qu’on nomme pompeusement la « génération Y » (ou X, nom de Zeus je m’y perds) : le héros, Monsieur Noir (y’en a des gris, ou rose, pour la fille) est un glandeur fini, en dix heure de boulot il doit être effectif à peine 3 heures. Un vrai pro, respect.
Vais plutôt parler de mon ressenti en déchiffrant l’histoire du protagoniste. Comme cela fait moins de cent pages, je pensais naïvement torcher Une histoire sans mots en vingt minutes, douche comprise. En fait, que nenni, provisionnez plutôt le double. Car le tout a beau être logique, c’est loin d’être évident à décrypter. Dieu sait pourtant si l’écrivain a fait simple en utilisant des idiomes que n’importe quel Occidental comprendrait, à coups d’icônes populaires (dont des marques, c’est dommage mais peut-on faire autrement ?) qu’on retrouve autant dans les panneaux routiers que dans tout aéroport digne de ce nom.
A mon humble avis, le but inavoué de Bing Xu (je mets ses noms dans le sens qu’il me plaît) a été de démontrer qu’il existe, potentiellement, un langage que n’importe quel couillon ayant accès à internet comprendrait. Du globish pour analphabètes, c’est beau et flippant à la fois. Car l’histoire, même drôle (notamment comment il expédie ses courriels du matin), est au final assez pauvre. En effet, n’espérez ni lire de la politique, ni apprendre comment distinguer un communiste d’un socialiste. Juste le minimum syndical, une expérience de pensée correcte avec laquelle l’artiste s’est visiblement fait plaisir.
Très ironiquement, c’est marrant qu’un Chinois ait eu l’idée (je ne sais pas si quelqu’un s’était prêté au jeu avant) de concevoir une sorte de langage imagé et compréhensible par la plupart. De la part d’une nation 1/ dont l’écriture est dérivée de représentations graphiques de son univers et 2/ avec le plus grand nombre de locuteurs au monde, cela ne manque pas de sel. Enfin, on voit bien que le langage ultime, ce sont les mathématiques [je vais me faire des ennemis].
…à rapprocher de :
– Lors d’un de mes (nombreux, évidemment) séjours au pays du milieu, j’avais vu passer une expo de cet auteur intitulée A Book from the Sky. Il s’agissait d’idéogrammes couchés sur d’antiques planches, de loin je croyais à de vieux manuscrits. Sauf qu’en me rapprochant, je ne reconnaissait aucun caractère. J’étais en train de désespérer de mon niveau de mandarin qui rouillait à une vitesse alarmante lorsqu’on m’a fait comprendre que les idéogrammes ne voulaient rien dire. Malin le Xu.
– Une histoire sans paroles, et encore plus imbitable, c’est 3 secondes, de Mathieu.
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J’ai feuilleter ce livre à la Fnac (honte à moi) et je dois dire que j’ai peu accrocher. J’ai difficilement compris les premières pages et j’ai trouver le prix bien trop élevé pour la simplicité de l’histoire.
Après je salue le concept très original et amusant, qui montre que des petits symboles qu’on voit tous les jours maintenant permettent de former un langage à peu près compréhensible.
Mr Xu Bing a créé une nouvelle langue, au moins aussi crédible que l’espéranto !
Le prix vs. la taille du bouquin, on est tout à fait d’accord. D’ailleurs c’est pour ça que je l’ai emprunté à quelqu’un, et me suis empressé de le lui rendre.
En revanche, sur le « aussi crédible que l’espéranto », vous ne dites que des balivernes [Tigre se met en mode « marie-denise » des Inconnus]. Plus sérieusement, comme je me dis que le langage est parlé, Bing n’a façonné qu’une écriture commune, charge aux gens de mettre les mots dessus (comme les idéogrammes, qui n’ont pas la même prononciation en Mandarin ou en Cantonais, pour une signification commune).
Pour 3 Secondes, je ne me souviens pas qu’il n’y ai pas de fin. Pour moi la fin c’est de comprendre ce qu’il s’est passe, le reste est moins important.
Faudrait que je le relise mais le problème c’est qu’on ne peut pas vite fait le le feuilleter pour se rappeler l’histoire. Il faudrait que je reprenne l’Enquête de bout en bout…
Cher Tigre, vous avez trouve 3 Secondes plus difficiles a comprendre qu’Une Histoire Sans Mots? J’ai trouve au contraire qu’il etait tres difficile d’y trouver un sens et j’aurais bien aime trouver en fin de volume des aides de traduction, surtout pour certains passages. On a parfois l’impression de passer a cote de qqch et il n’y a que je trouve plus agacant.
Carrément.
Surtout pas de traduction, il faut laisser le lecteur rager seul dans son coin! Ou alors, vendre un livret de traduction pour se faire plus de tunes encore… Pour certains passages, en réfléchissant bien (genre 5 minutes dessus), la signification apparaît rapidement, si si. Et au moins y’a une fin, pas comme dans 3 ».
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