VO : Beatrice and Virgil. Toujours aussi original de la part de cet auteur, bien que moins compréhensible sur certains chapitres. Nettement plus sombre aussi, mais quel vocabulaire ! Dérangeant , cet ouvrage aborde un sujet délicat et le traite de manière unique, quitte à choquer ou perdre le lecteur.
Il était une fois…
Henry est un écrivain dont le premier livre fut un succès. Hélas son second manuscrit, qui a trait à l’holocauste, est refusé. C’est après sa décision de ne plus écrire qu’Henry reçoit une lettre d’un taxidermiste qui a écrit une pièce de théâtre mettant en scène deux animaux (les fameux Béatrice et Virgile). Henry rencontre ce mystérieux taxidermiste, et va découvrir que derrière ce personnage et sa pièce se cachent d’inavouables choses.
Critique de Béatrice et Virgile
Après une bonne expérience, Le Tigre a absolument tenu à acheter le roman de Martel qui suivait (avant même sa sortie en poche). Le résultat ? Superbe.
Pas sublime, seulement superbe, Le Tigre, en quête éternelle d’œuvres qui détonent sérieusement, a été à la fois ravi et déçu par rapport à ce qu’avait produit le sieur Martel. Violence gratuite, passages pas très soutenables, ce n’est pas pour tout le monde.
L’auteur livre un ouvrage finement pensé qui recoupe pas mal de thèmes. L’agencement global, quoique chaotique, a été pour Le Tigre séduisant puisque formant un résultat hors du commun. On sent que Yann Martel a fait un petit doigt d’honneur à toutes les convenances littéraires pour produire une (courte) histoire qui, en plus sans doute de le tenir à coeur, aborde un sujet sous un angle inédit.
Quant à la fin, celle-ci fût relativement décevante quoiqu’inattendue. Mais surtout après le dénouement, on ne sait pourquoi l’ouvrage se termine par des jeux pour Gustav, faits de devinettes plus horribles les unes que les autres. Le genre de questions qui sont à une discussion entre amis ce que l’affaire Dreyfus était à un déjeuner dominical en famille. Comprenne qui voudra.
Cet ouvrage, bien que moins original et « beau » (c’est à dire arrachant une larme au lecteur) que le premier de l’écrivain, mérite d’être lu. Peut-être pas à acheter, empruntez-le donc à quelqu’un. Soit ça ne passe pas au bout de 100 pages, et vous pourrez abandonner dans la mesure où la fin n’aide en rien question clarté ; soit ça passe très bien, et la couverture orange (le grand format hein) vous offrira un sentiment de fierté possessive.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le respect des animaux à travers la taxidermie. Yann Martel présente un taxidermiste tout ce qu’il y a de plus « space ». Les échanges entre cet individu et le héros sont savoureux et détaillés comme ce n’est pas possible. Les tenants et aboutissants de ce métier, la manière de procéder pour empailler l’animal, le travail « d’ordre public » que cela peut représenter par le prolongement de l’existence de ces petits êtres,… Un chapitre entier, dédié au métier, est fort bien documenté.
Le repenti du mystérieux taxidermiste, ensuite. [Léger SPOILER] Au fil des pages un certain malaise s’installe, le lecteur découvrant que l’individu est un peu plus malade que prévu. Sa pièce, mettant en scène une ânesse et un singe, s’avère être une forme d’autobiographie sur des actions passées passablement terrifiantes.
Les marionnettes du théâtre, amenées à produire ce qu’il y a de plus abject dans le comportement des hommes, peuvent profondément troubler le lecteur qui découvre, outre l’excellence du style, une parabole sur l’enfer. Glauque mais unique, que demande le peuple ? [Fin SPOILER].
L’holocauste auquel un des personnages a pris part, finalement. L’histoire de Béatrice et Virgile, c’est celle entre le tortionnaire et la minorité oppressée, et mettre des animaux à la place des hommes, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Dans la veine des crimes nazis, on peut estimer que les dernières pages auraient pu aller plus vite, le final se terminant pour le tyran comme pour ses victimes, c’est à dire dans les flammes. Le lecteur avait compris depuis longtemps.
…à rapprocher de :
– Sur « l’interaction », certes limitée, avec le lecteur, notamment des digressions ou « devinettes » qui sortent du format romanesque, on peut répertorier Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon.
– L’histoire de Pi, premier roman de Martel, où le thème de la narration est en filigrane.
– Si c’est un homme, de Primo Levi, pour étudier l’holocauste du point de vue des victimes.
– Les animaux dans la shoah à la place des hommes, vous l’aurez reconnu, c’est bien l’incroyable Maus, d’Art Spiegelman.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche).
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