VO : Life of Pi. Un tigre en image. Miam. Une histoire de naufragés et de religions. Re-miam. Même pas de mathématiques, Pi étant le diminutif de Piscine. Bah, pourquoi pas, on m’en a dit que du bien. A mon tour de vous dire que c’est sublime à lire, et pas parce qu’il y a un tigre en jeu. Beaucoup d’émotions, un peu de rires, sociologie humaine et animal, « survivalisme », généreux et beau.
Il était une fois…
Pi, c’est Piscine Molitor Patel, fils du directeur du zoo de Pondichéry. Lorsque la famille quitte l’Inde pour s’installer au Canada, ils emportent notamment dans leurs bagages Richard Parker, superbe tigre du Bengale. Hélas le cargo japonais fait naufrage, et Pi se retrouve dans un canot de sauvetage avec ledit tigre. 227 jours de dérive avec Richard s’annoncent….
Critique de L’histoire de Pi
Voilà tout ce que Le Tigre adore : originalité, écriture fluide, descriptions suffisantes sans être prépondérantes, un peu d’action et surtout quelques leçons à tirer à la fin de l’œuvre. Yann Martel, inconnu lors de la publication de ce petit pavé de presque 500 pages, a frappé fort, très fort même. D’où ce post de presque mille mots eu égard les profondes analyses qu’on peut tirer de L’histoire de Pi.
L’histoire principale (celle du 4ème de couv’) n’arrive pas tout de suite, et le lecteur sur quelques dizaines de pages va avoir une première partie séduisante : le jeune narrateur, en Inde, côtoie des personnages issus des grandes religions, et ouvre largement son horizon. S’ensuit l’épopée de Pi, avec le fameux Tigre. Et enfin une troisième partie, plus courte, qui s’attache à la suite des évènements et offre un retournement triste mais propice à la réflexion.
Le style est impeccable, et le vocabulaire utilisé relativement adéquat (précis tout en étant suffisamment compréhensible). Un petit bijou de lecture qui porte l’aventure et l’imagination à un niveau rarement atteint pour une œuvre qui n’est ni de la fantasy, et encore moins de la SF. Du fantastique, mais sans aller vers l’imaginaire « borderline » d’un Neil Gaiman.
Hélas (il y a toujours un hélas), Le Tigre déplore quelques à-peu-près dans la description du canot, très importante car Pi va y passer quelques semaines avec un gros félin, qui fait que le lecteur peut difficilement se représenter la configuration des lieux. Certains termes nécessitent en outre un dictionnaire à ses côtés. Quant au début, quelques longueurs sont sans doute à déplorer mais ne doivent en aucun cas être une excuse à abandonner si tôt la lecture.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce roman peut donc être partagé en trois parties, chacune ayant au moins un thème qui m’a particulièrement marqué.
Les religions. Les débuts de Pi sont propices au cosmopolitisme et à la découverte des cultures de ce monde, terrain fertile à l’intelligence et la tolérance. Tolérance n’est pas intelligence cependant. Ainsi le petit Pi a l’occasion, en Inde, de discuter avec des représentants des grandes religions. Ceux ci débattront également entre eux, non sans certaines étincelles, sous l’œil perspicace du jeune homme. Des passages où humour et spiritualité font très bon ménage. Rare.
L’éthologie. Le Tigre aime placer quelques mots savants, notamment celui définissant l’étude du comportement des animaux. En effet le pauvre Pi qui se retrouve seul avec un tigre a pour but, avant même de se nourrir, de faire en sorte que l’animal n’en fasse pas son quatre heures. Création de réflexes pavloviens (siffler tout en donnant le mal de mer, afin qu’un simple coup de sifflet calme le félin), comportements de mâle alpha, gestion de l’espace restreint, voici « cohabiter avec un tigre pour les nuls ». Outre un tigre, Pi est confronté à une île (et ses occupants) vers la fin de son périple, comme si l’aventure sur le radeau ne suffisait pas.
Le survivalisme. Tigre ou non, Pi est sur un radeau en plein milieu du Pacifique. Là Yann Martel a du s’aider de quelques témoignages de survivants, parce que c’est rudement bien expliqué. Système pour à partir d’eau de mer d’avoir de l’eau normale, boire les fluides des poissons, gestion du sommeil (et du soleil), exercice mental pour ne pas devenir dingue, Le Tigre n’aurait pu faire le quart du dixième de Pi en la matière.
La réalité et la fable. L’histoire est plus que décalée, pas vraiment crédible mais pourtant le lecteur y crois, même si sur la fin ça devient franchement bizarre. [SPOIL attention !] La dernière partie est plus que troublante : Pi, enfin sauvé, raconte son histoire. Néanmoins ça ne correspond pas aux évènements connus des sauveteurs, et une autre version des faits, bien plus prosaïque, fait son apparition : le naufrage n’aurait duré que quelques heures, sans tigre, et Pi, entraîné par un marin peu scrupuleux, se serait livré à des actes assez glauques (croyant qu’ils allaient rester longtemps sur le naufrage) [Fin SPOIL].
L’écrivain pose finalement la question de savoir, entre deux histoires, laquelle aura la préférence du lecteur et des proches de Pi en général. On retombe un peu dans la première partie, à la différence qu’ici on a le choix entre deux croyances à partir d’un même évènement : une histoire réelle, pas vraiment glorieuse, et la légende dorée riche d’enseignements. L’enjolivement, tous le pratiquent à terme. L’invention pure et dure dans ce roman, bravo à Yann Martel.
…à rapprocher de :
– Yann Martel a également produit Béatrice et Virgile, tout aussi bien écrit et bizarre. Sujet très différent et bien plus sombre.
– Le début du roman, avec ses discussions passionnées sur les religions, fait penser à l’œuvre (plus élaborée hein) de Littel Sr, Les enfants d’Abraham (ici entre deux « extrémismes » a priori inconciliables).
– Sur la création d’une histoire, et puis laisser le choix au lecteur (ici téléspectateur) d’y croire ou non, voyons ensemble le très émouvant Big fish, de Tim Burton.
– Un film est tiré du roman, L’odyssée de Pi. Réalisateur : Ang Lee. Ça aurait pu être pire.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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