VO : Hagakure Nyūmon. Le Tigre est fin lettré, et n’hésite pas à résumer les ouvrages dont le titre interpelle. Il n’y a pas que le titre, le contenu est assez particulier, le lecteur n’aimera pas forcément. Simple et exigeant, antimoderne et « chevaleresque », c’est tout un pan de la philosophie japonaise qui est à portée de mains. Et surtout c’est rapide à lire.
De quoi parle Le Japon moderne et l’éthique samouraï, et comment ?
Acheté et lu il y a fort longtemps, il arrive au Tigre de lire un chapitre ici et là, histoire de savourer la prose japonaise d’après-guerre. En particulier celle d’un auteur assez polémique, qui a vu le Nobel de littérature lui passer sous le nez.
Ayant lu quelques essais du Japonais, grand auteur sulfureux, celui-ci mérite d’être abordé pour le paradigme (Le Tigre est fan de termes compliqués) qu’il expose. En plein boom économique japonais d’après-guerre sous l’aide et la protection américaine, Mishima descend méthodiquement la nouvelle société japonaise, qui selon lui a renié ce qui faisait sa force.
Le style est clair, précis et sans concessions. 130 pages où rien ne manque, peut-être des passages pas forcément nécessaires mais illustrant les sombres idées de l’auteur. A noter le titre original, qui signifie « la voie du samurai », titre plus parlant à mon sens : car Yukio est comme un samurai de la seconde moitié du XXème siècle, quitte à disparaître volontairement quand il voit que ça ne tourne pas à son avantage.
Intéressant et obligatoire pour tout curieux de la civilisation japonaise, aucun livre ne peut égaler le contenu certes polémique de cet essai. Pour mieux comprendre les dires de l’auteur nippon, Le Tigre vous recommande de lire préalablement le bushido (cf. infra). Et de prendre du recul en général.
Ce que Le Tigre a retenu
La force (rien à voir avec Star Wars) du pays serait l’éthique samouraï, dont le peuple japonais est en train de se dépourvoir. Corruption des esprits, des mœurs en général, selon Mishima tout partirait à vau-l’eau dans son glorieux pays. L’occidentalisation d’un pays longtemps occupé par les Etats-Unis qui ont su le pacifier autour de son empereur, la constitution économique de la seconde puissance mondiale, Mishima balaie d’un revers de main ces avancées en exprimant son abhorration (ce mot existe ?) de ce nouvel ordre local.
Le Tigre se souvient par exemple d’un Mishima qui écrit tout le mal qu’il pense de l’éducation à l’américaine, où l’enfant a voix au chapitre et peut exprimer ce qu’il pense dans certains domaines. Alors qu’au Japon le gamin, ou l’élève ne devrait avoir nullement l’occasion de formuler ses impressions sur la façon dont il est éduqué. Ayant étudié en Asie, je confirme l’étonnement d’un étudiant local lorsque le professeur faisait passer une feuille d’évaluation sur le contenu et la forme de son cours. « What the f*** am I supposed to write ? », me demandait-on alors.
Néanmoins des pistes sont intéressantes sur le monde des affaires au Japon, qui parfois s’inspire de l’éthique tant vantée par Mishima. Le salarié qui reste toute sa vie dans la même entreprise n’est-il pas un samouraï moderne au service de son seigneur ?
Au final, j’ai gardé l’impression d’un essai profondément réactionnaire écrit par un écrivain nationaliste glissant lentement, mais surement, vers la folie.
…à rapprocher de :
– Le soleil et l’acier, autre essai lu de Mishima, qui est introspectif mais on retrouve ses idées. Sur l’auteur à proprement parler, la biographie/autobriographie de Christopher Ross mérite d’être abordée.
– Le bushido, code des samouraïs. Recueil de phrases intéressantes qui fournissent un ensemble cohérent (que Le Tigre n’oserait adopter).
– Ghost dog, film américain avec le très éclectique Forest Whitaker, qui parvient à peu près à illustrer l’esprit d’un samouraï.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.
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