VO : Taiyō to Tetsu. Court essai de Mishima, sombre et beau à la fois. L’auteur est dans un registre très personnel, et livre les raisons de sa transformation en tant qu’ « homme fort ». Et en profite pour annoncer et justifier le très théâtral suicide qu’il commettra dans des circonstances inégalées. Arguments dérangeants, éloignés de notre culture occidentale, Le Tigre a été plus que dépaysé.
De quoi parle Le soleil et l’acier, et comment ?
Pessimiste et poétique, Mishima se livre et explique sa vision de l’Homme, du but vers lequel il doit aspirer. Mais c’est avant tout de lui-même dont l’auteur parle : sa transformation, comment il est passé d’un personnage chétif en un guerrier bien musclé apte à rejoindre les forces d’autodéfense (où il n’est pas passé inaperçu d’ailleurs), et enfin pourquoi quelqu’un peut décider de commettre un seppuku dans le Japon contemporain.
Petit mot au sujet du titre, qui décrit assez bien l’esprit de notre écrivain dans cet essai. Le soleil, c’est l’outil permettant d’avoir une peau bien tannée, quelque chose ressemblant à une carapace à même de protéger l’esprit. Quant à l’acier, c’est tout simplement la fonte soulevée, avec à la clef de majestueux muscles. Musculeux et bronzé, voici le nouveau Mishima.
Toute cette perfection est tournée vers l’illustration de la pensée de l’auteur, aspirant à la perfection autant pour lui qu’à sa patrie. Le style tend aussi à cette perfection, en étant dépouillé, sec (comme les muscles de Yukio) et étonnamment abordable pour le jeune lecteur que fut Le Tigre.
Ce que Le Tigre a retenu
Assez proche d’un autre essai de Yukio (cf. Infra), Le Tigre a gardé une certaine impression de malaise. On est très loin de la littérature et de la pensée contemporaine, assez ouverte et humaniste. Ici rien de tout ça, c’est l’abnégation et le sacrifice qui priment, et le tout au service d’un suicide. Mais ça m’a terriblement donné envie de découvrir l’auteur.
Pourquoi ce suicide ? En partie parce que sa patrie ne prend pas le chemin qu’il souhaitait. Et comme Mishima le dit si bien, c’est au faîte de la jeunesse qu’il faut ouvrir son cœur, comme une pomme qu’on éventrerait pour apprécier son noyau parfait. Magnifique et dérangeant, le lecteur ne sera pas indifférent.
Pour la petite histoire (et ceux que ça intéresse), le seppuku de l’auteur (en 70 je crois bien) s’est fait dans des conditions rocambolesques. Yukio prend en otage le chef des forces d’auto-défense du pays, fait un discours qui ne rencontre pas le succès attendu, se retranche sous les huées et met fin à ses jours.
…à rapprocher de :
– Le Japon moderne et l’éthique samouraï, autre essai plus politique et intransigeant. Sur l’auteur à proprement parler, la biographie/autobriographie de Christopher Ross mérite d’être abordée.
– La fin de Mishima est rapidement abordée dans Un été japonais, premier tome de la Crucifixion en jaune de Romain Slocombe.
– Le style, parfois abscons et très personnel, n’est pas sans rappeler les réflexions philosophiques de Maurice G. Dantec.
– Culture du corps, corps sain dans esprit sain, auteur japonais…Le Tigre se remémore Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, d’Haruki Murakami. Bien plus abordable et…sain.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.
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