Zep n’est pas que l’auteur très connu du quotidien d’un pré-ado doté d’une houppette exagérée, Le Tigre aurait presque voulu en rester à ce niveau de connaissance. Car les réminiscences (et conséquences sur le présent) de quelques quarantenaires qui auraient pu former un grand groupe ne m’ont pas emballé du tout.
Il était une fois…
Où es-tu, petite présentation de l’éditeur ? Ici :
« Après s’être séparés plusieurs années auparavant, une bande de copains et membres d’un groupe de rock se retrouvent chez l’un d’eux, Sandro. Certains ont réussi, d’autres moins. Au détour de flash-back sur les concerts, la drogue [Faux ! Y’a quasiment que dalle sur ce sujet…], les amours passagères, ils comprennent les événements mal perçus à l’époque et découvrent que quelque chose de plus fort que la musique unit certains d’entre eux. »
Critique d’Une histoire d’hommes
En checkant un peu sur internet, j’ai enfin compris l’origine du pseudo de Philippe Chappuis : le père de Phil’ était rockeur, d’où Zep, comme Led Zeppelin. Aussi simple que cela, comment n’ai-je pas pu y penser ! Normal donc que l’auteur/illustrateur tape dans ce domaine, on sent qu’il y a passé du temps.
L’histoire a l’air d’être simple, à savoir les membres de Tricky Fingers, groupe de rock qui s’est salement planté en 95 après que Frank a pété le nez d’un producteur de la BBC lors d’un concert. La petite bande (avortée) se retrouve dix-huit ans après, invité chez le seul qui a continué une carrière, quelque part en Angleterre. C’est l’occasion, outre les nombreux flashbacks, de faire le point sur quelques zones sombres entre nos anciens potes.
Sauf que c’est plutôt chiant, presque un travail de besogneux qui veut montrer qu’il maîtrise autre chose que l’art dessinatoire pour ados. « Chiant » est sans doute fort, disons que c’est à la fois exagérément contemplatif (les illustrations n’aidant pas) et sur un sujet qui ne me parle pas (à un tel point d’oublier qui est qui dans la bande). Les dessins aux couleurs pâles et tirant sur le sépia (ou le bleu léger, les variations de ton semblent aléatoires) offrent une agréable fluidité de lecture. Néanmoins les personnages accusent toujours une relative invraisemblance au niveau des expressions, surtout les sourires.
Au final, une soixantaine de pages assez denses (à la limite du roman graphique) qui pourront, à la rigueur, faire écho à quelques vieux fantasmes (ou mieux, souvenirs) chez le lecteur porté sur la rock & roll attitude. Ce dont n’est point Tigre. Erreur de casting, ça arrive.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les groupes de rock, côté sombre. Au moins Zep n’a pas versé dans le trivial, avec sex, drogue et monumentales cuites. J’ai eu pourtant peur, avec le concert qui tourne mal à cause d’un des gars un peu trop sous LSD. L’auteur a tenté une approche intéressante, à savoir comment un groupe n’a pas pu se constituer, et en quoi cela a influencé ses anciens membres (assez jeunes à l’époque). Les retrouvailles, même une vingtaine d’années après, sont étonnamment chaleureuses. Le rock, une expérience qui lie les hommes ?
Une histoire d’hommes, c’est hélas le genre de titre qui ne m’envoie pas du tout de rêve. Truc de mecs bien burnés ; les nanas comme accessoires ; le rock viril et bruyant, bref la mâle complicité et les coups de gueule qui vont avec. Concernant donc les liens entre Yvan, Frank, Bidule et Machin, comptez bien sur moi pour vous spoiler [attention] : ayant plus d’une fois zappé le nom des protagonistes, j’ai du relire quelques passages en arrière pour enfin comprendre qu’un des gus avait fait un gosse à la copine d’un autre, gamin qui décède vers ses dix-huit berges. Tout ça pour ça.
…à rapprocher de :
– De Zep, j’ai franchement préféré ses Titeuf. C’est terrible comme constat (enfin, comme point de vue) de ma part, mais il n’aurait pas dû tenter de gambader dans le roman graphique intimiste. Ou alors poursuivre dans cette voie, avec un scénar’ un peu mieux léché.
– Les filles électriques, Happy sex, ça reste passable.
Enfin, si votre librairie est fermée et que vous tenez à montrer à votre gosse que Zep sait être profond, vous pouvez trouver cette BD via Amazon ici.
Je sais, on me le dit souvent.
J’avais les idées moins arretees que vous quant au format pour différencier un roman graphique d’une BD (sans jugement de valeur aucun pour les deux).
Je voyais le roman graphique comme un objet qui vient casser les codes habituels, en particulier en terme de dessin, d’implémentation des bulles ou même du texte en paragraphe, effectivement du format de la page.
Et j’ai quelques titres en tête pour lesquels je me pose toujours la question de savoir si ça se classe en BD ou roman graphique. Effectivement, un sutra est nécessaire!
Ce sera fait avant décembre. N’hésitez pas à m’envoyer en mp vos titres, ça pourra me faire une base de travail 🙂
« Au final, une soixantaine de pages assez denses (à la limite du roman graphique) »
Cher Tigre, elle est ou la limite?
Je me pose moi-même régulièrement la question…
Vous êtes un vivier à idées de Sutra cher Cqfd89 !
De go, je dirai que cela dépend :
– Du format (un grand format appelle plus la BD qu’un format style 25×19 cm)
– De la taille : dès qu’on dépasse le format « franco-belge » (50 pages à peu près), je subodore le roman graphique (sauf si ce sont des intégrales de 200 pages de différents tomes)
– De la qualité de l’objet (couverture souple ou non)
– Du sujet traité.
Ici, 60 pages (10 de plus seulement) avec une taille de BD très grande, ce sont deux éléments tendant à parler de non-roman graphique. L’histoire, à l’attention des jeunes adultes, déborde hélas de la BD. C’est le passif « Titeuf » de Zep qui l’a, au final, remporté.